L’imaginaire de Wes Anderson est sans limite. Tout comme sa faculté à user de l’art de l’absurde et d’une joyeuse nostalgie. C’est un cinéaste qui diffère dans le paysage cinématographique américain, tellement d’ailleurs que pendant bien longtemps, j’ai cru qu’il venait du vieux continent.
Il faut dire qu’avec son teint pâlichon, ses vestes en velours côtelé, son amour pour Françoise Hardy et son univers délicieusement suranné, il y avait de quoi être induit en erreur.
Mais puisque nous ne sommes pas vraiment là pour faire de la recherche sur les différences culturelles et physiques entre population nord – américaine et européenne, je vous propose plutôt de prendre un temps pour causer de son dernier film en date, The Grand Budapest Hôtel.
Tout commence par un récit dans le récit.
Celui d’un écrivain qui au détour de son séjour dans un grand palace sur le déclin, fait la connaissance de son propriétaire, Mr Moustafa.
Ils vont partager un repas au cours duquel Mr Moustafa apprendra à l’auteur de quelle façon rocambolesque il devint le propriétaire du Grand Budapest Hôtel et quel impact eut sur sa vie sa rencontre avec Mr Gustave, l’homme aux clés d’or.
Viendront s’ajouter à cela le vol d’un tableau d’une valeur inestimable, une jeune fille virtuose de la pâtisserie et à la joue ornée d’une tache de naissance en forme de péninsule mexicaine, des moustaches en guidon de vélo, un chat persan, beaucoup de parfum, des plans d’évasion, un amoureux de vieilles dames, l’ombre de la guerre, un tueur à gages aux doigts bagués de têtes de mort, des cimes enneigées, un testament inextricable, beaucoup de dérision et l’amitié indéfectible entre un concierge à la meilleure des éducations et son apprenti lobby boy.
Ce 8ième long – métrage du réalisateur Wes Anderson est une petite merveille de poésie et de burlesque. Pour l’avoir testé, je peux vous garantir 1h40 de sourire béat aux lèvres, 1h40 de drôlerie et de finesse.
Réalisation inventive, montage de même, très belle lumière, couleurs acidulées, décors et costumes flamboyants (afin de récréer l’ambiance d’un palace dans les années 30 et 60), le souci du détail y est poussé à un tel paroxysme qu’il est impossible d’en savourer pleinement l’étendue en une seule fois (pour ma part, je sais qu’il y aura beaucoup d’autres visions simplement pour y apprécier le foisonnement d’un arrière – plan par ici, la finition d’une typographie par là, le choix d’une tapisserie).
The Grand Budapest Hôtel, c’est aussi un casting 3 étoiles au service d’une histoire gigogne au charme volontairement désuet, inspirée des écrits du romancier Stephan Zweig et des comédies d’avant la fin des années 30.
La liste des comédiens est tellement longue (car du rôle principal à la moindre silhouette encadrant une porte, ils ne sont qu’acteurs de talent) que je vais sûrement en oublier au passage. Pour l’essentiel on dénombrera Owen Wilson, Bill Murray, le très bon Adrian Brody, Tilda Swinton (pour les habitués du cinéma Andersonien), le toujours choupinou Jude Law, Harvey Keitel, l’inquiétant Willem Dafoe, Jeff Goldblum, le trop rare Edward Norton, Saoirse Ronan (pour les nouveaux venus), Léa Seydoux (excellente dans l’ouverture de porte) et Mathieu Amalric (pour le quota frenchie tendance). Le jeune Tony Revolori et l’excellent Ralph Fiennes complètent cette immense tribu de premiers et seconds rôles, tous plus savoureux les uns que les autres.
The Grand Budapest Hôtel fait partie de cette catégorie de films qui rendent la vie plus lumineuse, un peu moins pesante et perméable à la connerie crasse. Après l’avoir vu, même votre démarche vous semblera plus légère. Le genre de sensation qui fait un bien fou.
En vous remerciant.