Quelqu’un* a dit : le monde est séparé en deux catégories, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent … Bien que cela n’ait pas de rapport avec notre sujet du jour (quoique), l’univers est indubitablement scindé : d’un côté ceux qui comprennent les maths, de l’autre les damnés, les laborieux. Ceux qui ont besoin de compter sur leurs doigts pour la plus simple des additions. Ceux dont le cerveau s’est toujours refusé à comprendre la différence entre abscisse et ordonnée, ceux qui n’ont jamais vu l’intérêt à ce que Z soit un ensemble d’entiers relatifs, ceux pour qui le théorème de Pythagore n’évoque que vaguement l’angle droit d’un triangle, ceux qui ont vécu les pires humiliations devant une équation à 2 inconnues …
Aujourd’hui, c’est à vous tous que je m’adresse, vous les rebutés du calcul mental, les laissés – pour – compte de la trigonométrie, les derniers du classement des matières scientifiques, les lépreux du cosinus, voilà un documentaire qui vous réconciliera (peut – être) avec la discipline responsable de vos pires moments de solitude.
Je ne sais pas si Olivier Peyon était une tête d’ampoule quand il était petit mais à la suite de sa rencontre avec le mathématicien Cédric Villani (plusieurs mois avant que celui – ci ne soit connu du grand public) (nous y reviendrons plus loin), le réalisateur a eu l’idée de son documentaire.
Dans Comment j’ai détesté les maths, il nous montre comment une discipline synonyme de torture psychologique pour nombre d’entre nous peut s’avérer passionnante et ancrée dans le réel. En effet, on oublie trop souvent que les mathématiques sont partout, du fonctionnement de notre grille – pain au système déroulant le câble sous – marin pour de la téléphonie mobile en passant par les algorithmes utilisés par les traders de Wall Street.
Pour arriver à démontrer tout cela, Olivier Peyon s’appuie sur des orateurs provenant des 4 coins de la planète, des mathématiciens bien éloignés des clichés vestes en tweed – crânes dégarnis, des personnages hauts en couleur qui parle de leur métier avec un enthousiasme contagieux.
C’est ainsi qu’interviennent Anne Siety (psycho – pédagogue spécialisée dans les blocages en maths), Jean – Pierre Bourguignon (directeur de l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques), Jim Simons (mathématicien et trader), François Sauvageot (professeur en math sup) … Mais que ce déluge de grands titres ne vous rebute pas, leurs discours sont abordables, limpides, très instructifs.
François Sauvageot en situation. J’ai l’impression que si mon prof de maths de cinquième avait eu une apparence aussi débonnaire (et une pédagogie similaire), je serais aujourd’hui un peu moins fâchée avec la matière …
C’est l’autre grand atout de ce documentaire, décomplexer tous les traumatisés de l’algèbre : si nous sommes des brêles en maths, ce n’est peut – être pas entièrement de notre faute ! La maladresse en revient aussi à un système éducatif qui connaît des ratés (d’où une très intéressante partie sur les nouveaux programmes et l’introduction – en force ! – des maths modernes) et qui peine à se remettre en question. Comment j’ai détesté les maths s’évertue d’ailleurs à présenter des solutions alternatives à l’apprentissage traditionnel de la discipline.
Regardez comme ces enfants ont l’air épanoui ! Et pourtant ils font des maths, c’est fou !
Olivier Peyon s’attarde également sur la personnalité d’un autre mathématicien de haute volée, Cédric Villani.
Détenteur de la médaille Fields (équivalent du Nobel pour les maths, une vraie récompense de tocard en somme) pour ses travaux sur «l’amortissement de Landau et l’équation de Boltzmann» (je mets ça pour la déconne, aucune foutue idée de ce que ça peut être), on découvre avec lui le domaine de la recherche fondamentale (et l’Institut de Recherche Mathématique d’Oberwolfach où se retrouvent des scientifiques du monde entier), le quotidien d’un chercheur, sa vision tout aussi poétique que terrienne de son métier, son statut de rock star (cet homme, c’est un peu le Mick Jagger des maths, un sacré phénomène !).
Intéressant, enrichissant, amusant, parfois un peu brouillon (mais pour décrire une matière aussi vaste, c’est un moindre mal), Comment j’ai détesté les maths est une plongée ludique au coeur d’une discipline pourtant réputée rigoureuse et sans fantaisie. Comme quoi, tout est possible.
En vous remerciant.
* : Le grand Sergio Leone dans son film Le bon, la brute et le truand.