On ne connaît pas bien le cinéma chinois. Clichés qui ont la vie dure (non, tous les films venus de l’Empire du soleil levant ne retracent pas des histoires de prodiges du kung – fu ou de dévouée concubine), pays hermétique, politique intérieure qui n’encourage pas vraiment le sens de la critique, manque de moyens, frilosité des distributeurs européens* … Les raisons sont multiples.
Mais les films, c’est un peu comme la mauvaise herbe, même avec la meilleure des volontés, on n’arrive jamais totalement à tous les éradiquer.
Dahai est mineur dans une province rurale, il ne supporte plus la corruption qui règne. Lassé d’être le seul à essayer de la combattre (et d’être mis au ban pour cela), il décide d’empoigner son fusil de chasse. Zhou San, mutique pistolero, rentre chez lui pour l’anniversaire de sa mère septuagénaire (après une longue absence passé à sillonner le pays), il retrouve la femme et l’enfant qu’il avait laissés. Mais rapidement, le besoin de repartir se fait impérieux.
Xiao Yu partage son quotidien entre son travail de réceptionniste et son statut de maîtresse d’un homme marié. Ne supportant plus la situation, elle va lui poser un ultimatum. A la suite d’un accident (dont il est la cause) dans l’entreprise où il est salarié, Xiao Hui s’enfuit. S’étant fait recommander par un de ses amis pour travailler dans un sauna, il va se lier avec l’une des hôtesses.
4 personnages pour 4 trajectoires totalement différentes mais qui ont en commun la détresse, le drame et la violence. Le réalisateur Jia Zhang Ke livre un portrait de la Chine contemporaine (multiple, contradictoire) à travers les destins personnels de ses personnages.
Par une écriture élégante, parfois un peu laconique, appuyée d’une réalisation inventive et d’une très belle photo, le réalisateur dresse un constat sans fard de son pays, gangrené par la corruption, la pauvreté (qu’elle soit rurale ou citadine), la solitude (sous toutes ses formes).
Si le long – métrage possède un terreau très réaliste, Jia Zhang Ke ne dédaigne pas à utiliser un certain second degré (donnant lieu à quelques situations absurdement drôles) et la violence comme force libératrice : on tire d’abord pour ne plus avoir à discuter après (dans le 1er quart du film, on pourrait d’ailleurs y voir un héritage très Tarantinien).
A tout moment partagé entre culture ancestrale et modernité criarde, campagne et ville, Jia Zhang Ke suit ses personnages dans leurs errements, leurs soifs de justice ou de révolte.
Le rendu s’avère fort – même s’il ne montre que rarement frontalement les choses – notamment lorsqu’il expose le statut de la femme et l’exploitation qu’elle subit (dans ces endroits sobrement nommés saunas qui ne sont rien d’autre que de sordides lieux de prostitution).
La continuité du film n’est jamais évidente (mais sans que cela n’entrave la cohérence des propos) pour maintenir constamment l’attention du spectateur en éveil, aiguisée.
Mélange savamment dosé de constat social et de western dévastateur, film de peu de mots, A touch of sin marche sur un fil, précis, élégant, sans jamais faire un seul faux pas.
En vous remerciant.