Deux programmes de l’Orchestre du Capitole, sous la direction de Kazuki Yamada et d’Alain Altinoglu à la Halle aux Grains, et un concert des Clefs de Saint-Pierre mettent à l’honneur les œuvres du compositeur français à Toulouse.
Après ses débuts prodigieux, la saison dernière à la Halle aux Grains, à la tête de l’Orchestre du Capitole dans la Symphonie fantastique de Berlioz, Kazuki Yamada poursuit son exploration du répertoire français avec l’orchestre qui s’en est fait une spécialité durant les longues années de règne de Michel Plasson à Toulouse. Le jeune chef japonais s’attaquera à deux chefs-d’œuvre de Maurice Ravel, brillant représentant avec son aîné Claude Debussy du courant impressionniste au début du XXe siècle, et figure influente de la musique française de son époque. Deux œuvres inspirées de la valse seront interprétées par l’Orchestre du Capitole: « Valses nobles et sentimentales » et « la Valse ».
Les « Valses nobles et sentimentales ». Fasciné par le genre de la valse, Maurice Ravel débute en 1906 la composition de « la Valse ». Avant son achèvement en 1919, il écrit pour le piano en 1911 les sept « Valses nobles et sentimentales » tissées de contrastes fulgurants et dotées d’un langage à la subtilité extrême. Considérée par Ravel comme «la plus caractéristique», la septième d’entre elles annonce « la Valse » à venir. Créées par le pianiste Louis Aubert, sans que le nom du compositeur soit dévoilé, leur exécution provoqua des huées, en particulier les dissonances de la première valse. L’année qui suivit, le compositeur les orchestra pour un ballet donné au Théâtre du Châtelet, sous le titre « Adélaïde, ou le langage des fleurs ». Puis, Pierre Monteux dirigea au concert, pour la première fois en 1914, la version orchestrée.
Après le terrible cataclysme de la Première Guerre mondiale, Ravel dut revoir ses projets d’hommage aux fastes de la valse viennoise selon Johann Strauss. Avec « la Valse », poème chorégraphique pour orchestre, il signe un «tourbillon fantastique et fatal», selon ses propres termes. Le XIXe siècle triomphant est balayé par le compositeur qui met en scène le crépuscule d’une civilisation, du déclin jusqu’à l’explosion. Serge de Diaghilev refusa cette musique pour les Ballets Russes de Paris : «C’est un chef-d’œuvre, mais ce n’est pas un ballet. C’est la peinture d’un ballet», lança-t-il à Ravel.
Un second concert accueille Alain Altinoglu (photo), chef aujourd’hui invité par les plus grandes scènes d’opéra et auprès des plus prestigieux orchestres pour son interprétation du répertoire français. Pianiste, il vient d’enregistrer un disque de mélodies de Ravel avec la mezzo-soprano Nora Gubisch(1). À la Halle aux Grains, il a déjà dirigé l’Orchestre du Capitole dans « Ma mère l’Oye ». De Maurice Ravel, il restituera cette fois « Daphnis et Chloé », symphonie chorégraphique en trois parties pour orchestre et chœurs sans paroles. Commande de Diaghilev, elle est achevée en 1912 par le compositeur, sur un argument – cosigné avec le chorégraphe Michel Fokine – tiré du roman grec « Amours de Daphnis et Chloé ».
Le ballet fut créé au Théâtre du Châtelet, avec Tamara Karsavina et Vaslav Nijinski qui venait juste de créer le « Prélude à l’après-midi d’un faune » sur la musique de Claude Debussy. La direction musicale était alors confiée à Pierre Monteux. Témoignage de l’intérêt de Ravel pour la culture grecque, l’histoire est donc inspirée de celle du berger Daphnis amoureux de Chloé, sous le regard du dieu Pan. Regorgeant de couleurs luxuriantes, la partition est dotée de pages orchestrales parmi les plus belles que signa le compositeur, dont c’est l’œuvre la plus longue – son exécution dure une heure. Prestigieuse formation espagnole, l’Orfeón Pamplonés assurera la partie chorale. Dirigée par Ravel en 1928 dans « Trois chansons : Nicolette, Trois beaux oiseaux du paradis, Ronde », cette vénérable institution est l’une des plus anciennes d’Espagne.
Enfin, à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines, le quatuor à cordes en fa majeur du compositeur sera interprété par quatre musiciens de l’Orchestre du Capitole. Les violonistes Xavier Gil et Anne-Laure Cornet, l’altiste Juliette Gil et le violoncelliste Pierre Gil ont en effet mis cet autre chef-œuvre de Ravel au programme du deuxième concert de la saison des Clefs de Saint-Pierre.
Jérôme Gac
(1) Naïve, 2102
Concerts de l’ O.N.C.T. :
« Star-Isle » de Takemitsu, Concerto pour violoncelle n°1 de Saint-Saëns par Gautier Capuçon, « Valses nobles et sentimentales » et « La Valse » de Ravel, sous la direction de Kazuki Yamada, vendredi 15 novembre, 20h00.
« Star-Isle » de Takemitsu, « Valses nobles et sentimentales » et « La Valse » de Ravel, sous la direction de Kazuki Yamada, dimanche 17 novembre, 10h45 (concert gratuit pour les moins de 16 ans).
Concerto pour piano n°2 de Saint-Saëns par Romain Descharmes, « Daphnis et Chloé » de Ravel, sous la direction d’Alain Altinoglu, vendredi 13 décembre, 20h00.
À la Halle aux Grains, place Dupuy, Toulouse.
Tél. 05 61 63 13 13.
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Concert Les Clefs de Saint-Pierre :
Quatuor à cordes n°2 de Brahms, Quatuor à cordes de Ravel, lundi 2 décembre, 20h00, à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines, 12, place Saint-Pierre, Toulouse. Tél. 06 63 36 02 86.
photo: A. Altinoglu © Fred Toulet
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