Arnaud Desplechin aime bien disséquer. Les relations humaines, les liens familiaux, les rapports amoureux, une dissection poussée à l’extrême appuyée par des acteurs au jeu un peu maniéré et une réalisation empruntée (pour moi, Desplechin, c’est le petit – neveu qu’aurait pu avoir Rohmer). Je le reconnais volontiers, j’ai un peu de mal avec son cinéma.
En plus de ça, l’un de ses acteurs fétiches est Mathieu Amalric. Et chez Mathieu Amalric, j’y vois quelque chose d’assez antipathique, voire vaguement malsain (on n’a jamais dit que les critiques ici devaient s’avérer parfaitement rationnelles. Ni justifiées d’ailleurs.).
Et que m’apprête – je à faire aujourd’hui ? Vous causer d’un film d’Arnaud Desplechin avec Mathieu Amalric (en binôme toutefois avec le grand Benicio del Toro*). Mini ola pour moi !!
Comme on peut le constater, dans les années 50, la cravate bariolée ET trop courte, c’était un peu le top de la classe.
James Picard est un Indien black – foot qui après avoir oeuvré à la libération de la France, revient de la guerre bien plus mal en point qu’à son départ : maux de tête à répétition, vertiges, pertes d’audition, crises d’angoisse … Après avoir perdu son travail et sa femme, il est forcé de s’installer chez sa soeur. Ses symptômes se faisant de plus en plus intenses, cette dernière l’accompagne alors à l’hôpital militaire de Topeka.
Au terme de tout un bataillon de tests, les médecins concluent que le mal est plus psychologique que physique. Le directeur de l’hôpital décide de faire intervenir l’ethnologue et psychanalyste Georges Devereux (connu pour son travail chez les indiens Mohaves). Celui – ci va tenter de nouer un dialogue avec le mutique James Picard.
Avec Jimmy P (psychologie d’un Indien des plaines), j’ai (un peu) révisé mon jugement sur Arnaud Desplechin.
Non pas que telle la petite girouette j’aime à m’orienter différemment selon le sens du vent, mais avec ce premier film sur le sol américain, le réalisateur a dû délaisser ses habituelles méthodes de travail (le rythme de tournage – très court – ne doit pas être étranger à l’affaire). Les habitués de son cinéma risqueront d’être déçu (moi, ça m’a ravi).
Reste tout l’intérêt du choix du sujet : l’adaptation de l’ouvrage de G.Devereux restituant l’analyse de James Picard.
L’action se concentre sur l’essentiel : le récit d’un homme, les liens se nouant entre le thérapeute et son patient, les mécanismes d’une analyse, l’interprétation des rêves (vraiment passionnant). En remontant bien plus loin que les supposés traumatismes de la guerre, le propos apporte un éclairage supplémentaire en s’intéressant à l’origine du patient (et au traitement des minorités indiennes).
J’en suis même venue à poser un regard différent sur Mathieu Amalric (faut que je sois vigilante, y’en a qui se sont retrouvé abonnés à la Cinémathèque pour moins que ça). Beaucoup moins poseur qu’à son habitude, il se révèle fantasque, tout à fait à l’aise dans son costume de psychanalyste non conformiste.
Benicio del Toro est quand à lui excellent dans le rôle de cet homme meurtri par son passé, peinant à se livrer et à mettre des mots sur ses maux (bonjour, j’inaugure mes brèves de comptoir psychanalytique), tout en économie et débats intérieurs. Chapeau Benicio …
Alors que vous soyez plus Jung que Freud, que vous voyez la psychanalyse comme une vaste escroquerie, que le sort des Amérindiens vous importent autant que celui de votre première chemise ou qu’à l’inverse vous possédez votre propre tipi au fond de votre jardin, si vous avez 2 heures devant vous, allez donc voir Jimmy P (psychothérapie d’un Indien des plaines), au pire, cela vous amènera simplement à camper sur vos convictions.
En vous remerciant.
* : 1m88 quand même.