En voilà encore un que je ne connais pas très bien mais dont j’aime bien la dégaine.
Je me suis un peu frottée au cinéma de Wong Kar Wai : avec In the mood for love (mais jusqu’à la moitié seulement parce qu’après je me suis endormie. Si je ne suis pas brûlée en place publique pour de telles révélations …) puis avec My blueberry nights (où je me suis endormie aussi. Et cela malgré la présence du choupinou Jude Law, entravé dans son jeu – c’est peu de le dire – par cette palourde de Nora Jones).
Avant de sombrer dans un sommeil ignare alimenté par la conviction d’être devant un cinéma un poil cérébralo – laconiquo – elliptique, j’avais eu le temps de constater un indéniable souci du décor et un talent certain de l’auteur pour une ambiance délicatement mélancolique, éléments cependant insuffisants à me faire émerger de ma léthargie. Nous nous étions quittés ainsi, pas vraiment en mauvais terme, mais pour ma part totalement persuadé d’avoir trouvé la parade infaillible à d’éventuelles insomnies.
Comme seuls les imbéciles et Marine Le Pen (comment ça c’est la même chose ?!) ne changent pas d’avis (et que j’étais surtout tombée sur la bande – annonce de The Grandmaster), je me suis dit qu’il était peut être – temps de réviser mon jugement.
En effet, sans être une experte du genre ni avoir rebaptisé mon philodendron Jet Li, je confesse un gros penchant pour le kung fu (peux pas vous expliquer pourquoi, je trouve la pratique simplement incroyablement élégante).
L’histoire débute à Hong – Kong où Ip Man, héritier d’une famille aisée, est également un grand maître du kung fu, à la technique parfaite et au savoir aiguisé.
Il est choisi tout naturellement parmi les membres de sa communauté pour affronter le grand sage du sud. Lors de ce combat, il rencontre Gong Er (fille du maître de l’ordre rival) qui va elle – même le défier. De son côté, le traître Ma San va chercher à extorquer les secrets de son professeur et La Lame tenter de traverser les évènements qui secouent le pays et les temps qui changent.
Combat, code d’honneur, philosophie, trahison, amour impossible, introspection, devoir, loyauté envers son école et sa famille, vengeance et sacrifice sont les ingrédients de ce film lyrique, inspiré de la vraie vie de Ip Man (maestro de l’art martial » Wing Chun » et formateur de Bruce Lee) et possédant un esthétisme criant à chaque plan.
Les scènes de combat sont réellement magnifiques, somptueuses et titanesques jusque dans leur préparation (celle d’ouverture a nécessité pas moins d’un mois de tournage).
Les chorégraphies (confiées à maître Yuen, connu pour son travail sur Matrix ou Kill Bill) sont littéralement à couper le souffle. Sans être aussi oniriques que celles de Tigre et Dragon, elles ne manquent pas d’un sacré panache tout en étant dotées de réalisme, un véritable tour de force. La photo est également hyper travaillée et un énorme travail autour du son a été réalisé : frottement langoureux des étoffes, caresse des sandales sur le plancher …
Les éléments sont également sollicités : plusieurs scènes de combat ont lieu sous la pluie ou dans la neige (permettant de visualiser encore davantage la puissance et la précision des coups portés). La lutte entre Ip Man er Gong Er fait intervenir douceur et même sensualité (par le jeu du frôlement des corps et les effets de ralenti).
A ce propos, je me permets ici un petite interlude. L’effet » slow motion » est effectivement beaucoup utilisé lors de scènes de combat (esthétiquement parlant, quoi de plus magistral qu’un corps projeté au ralenti, brisant un pilier ou se prenant un bon coup de saton en pleine face ?). Il est probable que la salle où je me trouvais (au nom commençant par Gau et se terminant par Mont) souffrait d’un déficit de projection (numérique paraît – il). Plusieurs scènes n’exigeant aucun effet de ce type – là (puisque pour la plupart simple plan de coupe) en était quand même doté, agrémenté d’un effet saccadé proprement désagréable, capable de gâcher une projection. A bon entendeur, merci de réviser votre matos les gars !
Un soin particulier des décors (ouvragés, grandioses, totalement reconstitués en studio pour la plupart) et des costumes est également à porter au crédit du réalisateur et de son équipe.
Les lieux et époques choisis (l’Hong – Kong entre 1930 et 1960) dénotent des ambiances habituelles des films de kung fu. On est en effet bien loin de la Chine moyenâgeuse, le décalage n’en étant que plus singulier.
Vous aurez compris que cette fois ci, je suis loin d’avoir effectué ma traditionnelle petite sieste Wong Kar Waienne. Il faut dire qu’avec The Grandmaster le réalisateur signe certainement son film le plus accessible. Alors, que vous souhaitiez améliorer votre figure mortelle des 64 mains ou tout simplement vous laissez emporter par un voyage tourbillonnant, voilà le genre de long – métrage particulièrement indiqué.
En vous remerciant.
L’info ninjaaaaaaaa : Le casting est bien entendu à la hauteur des exigences, pratiquement tous les acteurs (Zhang Ziyi, Chang Chen) avaient déjà travaillé avec Wong Kar Wai et dans d’autres films de kung fu. La palme revient tout de même au mutique Tony Leung.
Pour incarner au mieux le grand maître Ip Man (et malgré le fait de posséder déjà une solide formation en arts martiaux), l’acteur s’est entraîné à raison de 4 heures par jour pendant un an (en réussissant à se péter un bras au passage). A tous ceux se réclamant de la méthode Actor’s Studio, y’a encore de la route à faire mes cocos !!