« The Grandmaster », un film de Wong Kar-Wai
Le réalisateur hongkongais aura mis près de 10 ans à terminer son dernier opus. Inspiré, de loin, par la vie d’Ip Man (1893-1972), grand maître es Wing Chun (branche du Kung Fu), ce film nous mène sur les traces de cet athlète d’exception qui fut également le maître de Bruce Lee (1940-1973) et s’opposa farouchement à l’invasion de la Chine par le Japon dans les années 50 du siècle dernier. Alors, me direz-vous, encore un film d’arts martiaux avec grimpettes sur les murs et triples sauts périlleux arrières ? Oui et non. Bien sûr vous ne coupez pas, en particulier dans la scène liminaire, à un combat en bonne et due forme, sous une pluie battante permettant des effets de lumière et de matière assez bluffants. Tout le film va d’ailleurs se passer dans un tourbillon de beautés visuelles renversantes. Mais virtuose jusqu’à plus soif, la caméra de Wong Kar-Wai finit d’ailleurs par laisser de côté l’histoire de cet homme, que l’on devine passionnante, pour filmer finalement une longue (2h10) et bavarde dissertation sur la philosophie des arts martiaux. Les cadrages sont somptueux et le montage hyper dynamique. Certes. Cela suffit-il à faire un film captivant. La réponse est non, d’autant que le scénario devient par moment abscons et que l’histoire de cet affrontement visant à trouver un héritier au grand maître sur le déclin se perd dans des mélismes sentimentaux et politiques avec sauts temporels en arrière et en avant qui confondent un brin l’intrigue. Tony Leung et Zhang Ziyi, aussi beau l’un que l’autre, n’arrivent pas à donner une respiration humaine à cette aventure. Si l’on peut rester ébaubi devant la plastique de ce film, il est beaucoup plus difficile d’en sortir ému.
Robert Pénavayre