L’orchestre du capitole poursuit son parcours discographique à travers le répertoire russe sous la baguette inspirée de son chef titulaire, Tugan Sokhiev. Musique russe bien sûr, mais n’oublions pas que ces deux partitions ont été créées à Paris dans le cadre des saisons des Ballets Russes de Diaghilev et que les chefs et les orchestres français les ont particulièrement bien servis tout au long de ce siècle.
Et l’éditeur nous gâte puisqu’il nous offre deux versions, une au disque et l’autre en vidéo (concert du 17 septembre 2011 clôturant les séances d’enregistrement), filmée par les caméras de la chaîne Mezzo, de cette œuvre phare de la musique du xxe siècle qu’est Le Sacre du Printemps. À l’origine d’un des plus grands scandales de l’histoire de la musique, sa création fut un choc ressenti comme l’attentat d’un anarchiste du rythme, faisant voler en éclats les symétries et les équilibres. Debussy lui-même parlait de « musique de sauvage avec tout le confort moderne ».
Si l’on est immédiatement saisi par la précision rythmique de chaque pupitre et l’énergie bouillonnante que dégage l’orchestre, on est sensible à la direction très raffinée de Tugan Sokhiev, qui souligne les beautés mélodiques de la partition, lorsque nombre d’enregistrements se concentrent sur la rythmique affolante de cette danse païenne et chamanique. Cette musique furieuse trépigne, cogne, mais on oublie souvent qu’elle chante aussi et le jeune chef russe nous restitue ce chant en suivant les changements de tempo avec une souplesse féline. L’opulente orchestration est servie par des cordes magnifiques relayées par des bois d’une belle suavité, des cuivres d’une précision diabolique et des percussions incisives. À contre courant de nombreuses lectures, Tugan Sokhiev donne une vision d’une rare élégance selon une direction à la gestique sobre, précise et très efficace.
La suite de L’oiseau de feu qui complète le CD n’est pas en reste quant à l’élégance de l’interprétation. Le chef en souligne avec bonheur les contrastes, les jeux d’ombre et de lumière, ainsi que les timbres.
L’émotion est d’autant plus vive que le disque comme le concert filmé signifient la dernière contribution du violoniste solo Laurent Pellerin, décédé en janvier dernier.
Cette parution hautement recommandable sera certainement confrontée à vive concurrence car cette année marque le centenaire de la scandaleuse création du Sacre du printemps au Théâtre des Champs Élysées.
Alain Huc de Vaubert
Igor Stravinsky (1892-1971) : L’oiseau de feu (suite de 1919) ; Le Sacre du printemps (version originale de 1913).
Orchestre National du Capitole de Toulouse.
Direction : Tugan Sokhiev
Enregistré en septembre 2011 à la Halle aux grains de Toulouse.
1 CD et 1 DVD Naïve V 51 92. Notice en français et anglais. Durée : 55’ (CD) et 37’ (DVD)