Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Sur la route de Madison de Clint Eastwood
En 1995, quand Sur la route de Madison sort sur les écrans, Clint Eastwood n’est plus depuis plusieurs années le « facho », le « macho », l’apologiste de l’ultra-violence que la critique, française comme américaine, vit en l’interprète de L’Inspecteur Harry devenu cinéaste dès 1971 avec Un Frisson dans la nuit. Pale Rider, Bird, Impitoyable ou Un monde parfait sont passés par là. Il est désormais couvert de louanges et même d’Oscars, mais Sur la route de Madison va marquer une nouvelle étape dans la reconsidération de l’artiste par les bien-pensants qui salueront ici sa sensibilité, sa finesse, le beau portrait de femme qu’offre le film.

Pourtant, Eastwood n’avait pas attendu 1995 pour signer des œuvres aussi singulières que fortes. Son troisième long-métrage, le trop méconnu Breezy, relatait déjà en 1973 une histoire d’amour inattendue assez proche d’ailleurs de celle de Sur la route de Madison. Josey Wales, hors-la-loi s’imposait brillamment comme un western iconoclaste épousant l’esprit du « Nouvel Hollywood » tandis qu’Honkytonk Man, manière de road-movie dans l’Amérique de la Grande Dépression, possédait la beauté et la simplicité des plus grandes réussites de John Ford ou de Charlie Chaplin.
Les vivants et les morts
Mais revenons donc à Sur la route de Madison. Adapté du roman de Robert James Waller, le film construit sur un flashback relate la passion brève et inoubliable que vécurent Francesca Johnson (mère de famille dans l’Iowa) et Robert Kincaid (photographe pour le National Geographic). Le reporter photographie les ponts de la région et tombe par hasard sur cette femme débarrassée l’espace de quatre jours de son mari et de leurs enfants. Deux solitudes se rencontrent, se reconnaissent. Elle a renoncé à ses aspirations pour une vie de famille émolliente. Il a usé de sa liberté sans but, comme un chien errant. Une seconde chance se présente à eux, mais l’on sait dès le début que leur histoire demeura inachevée.

Avec autant de pudeur que de grâce, Eastwood filme cette rencontre entre deux êtres vieillissants. Des décennies plus tard, des lettres (motif récurrent chez le cinéaste) et des journaux intimes attestent de la puissance de leur amour. Un secret, des souvenirs, de vieilles photographies, des cendres dispersées depuis un pont rétablissent le dialogue entre les vivants et les morts. « Les vieux rêves étaient de bons rêves. Je ne les ai pas réalisés, mais je suis heureux de les avoir eus », dit à un moment Kincaid, le personnage dont Eastwood fut le plus proche selon ses propres termes. A un feu de stationnement, deux destins basculent. Cette scène, sans dialogues, pur moment de temps suspendu, nous montre une séparation qui serre le cœur. Avant que plus tard, bien plus tard, par-delà leur vie terrestre, Robert et Francesca ne se retrouvent sur le pont de Madison.
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