L’Agent secret, un film de Kleber Mendonça Filho
Le réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho nous offre, avec son dernier opus, et à tous les sens du terme, un fantastique thriller politico-social nous transportant dans le Brésil sous la dictature militaire d’Ernesto Geisel, dans les années 70 du siècle dernier.

Wagner Moura (Marcelo) – Crédit : Victor Juca
Le scénario nous met dans les pas de Marcelo, quadra énigmatique fuyant un passé que l’on devine mystérieux et se rendant à Recife pour retrouver son jeune fils, en pleine période du carnaval. Dès la séquence d’ouverture, nous le rencontrons dans une station essence perdue au milieu de nulle part, il fait le plein alors qu’un cadavre recouvert de cartons à proximité des pompes est en train de pourrir. Autant dans sa simplicité, son étrangeté, ses couleurs, son rythme, sa lumière, le ton est donné, nous sommes dans un cinéma d’auteur d’une originalité et d’une maîtrise parfaites. La suite nous apprend que Marcelo est poursuivi par des tueurs à gages. Leur traque est l’occasion pour le réalisateur de nous montrer un Brésil d’une dangerosité extrême, d’autant que les services de l’Etat, police incluse, semblent s’adonner sans scrupules à des pratiques corruptives hallucinantes et acceptées avec le plus grand naturel…Le réalisateur met en scène également une légende du folklore brésilien, celle de la jambe poilue dont je vous laisse le plaisir de découvrir les actions punitives et nocturnes dans les parcs de Recife…Kleber Mendonça Filho passe dans un scanner ravageur les structures de son pays natal : politiques, sociales, culturelles, administratives. Le bilan semble sans appel… Et pourtant la fête bat son plein, on danse, on boit, on chante. L’âme indéfectible de tout un peuple qui ne lâche rien. Tourné lors de l’été 2024 entre Brasilia, Sao Paulo et Recife, ce film se paie le luxe de croiser des espaces temps (tout une partie du film se passe de nos jours alors qu’une jeune femme écoute des bandes son de l’époque). Qui était Marcelo : un espion, un manipulateur ? A l’écran, Wagner Moura en fait un personnage aussi ambigu que fascinant. Ce rôle lui a valu le Prix d’interprétation masculine Cannes 2025 tout comme le Prix de la mise en scène est revenu à Kleber Mendonça Filho pour ce film décidément d’une perfection formelle rarissime.

