Quatre ans après « La panthère des neiges », Vincent Munier nous fait vivre sur grand écran un nouveau voyage visuel et sensoriel au plus près de la nature et des animaux. Son « Chant des forêts » est aussi un chant d’amour à son premier terrain de jeu photographique, celui de ses chères Vosges.

« Le chant des forêts » fait une large place aux chouettes. Photo Haut et Court
Vincent Munier part en goguette avec son père Michel et son fils Simon. Ils s’installent dans une cabane des plus rudimentaires, au cœur de la forêt des Vosges. Le grand-père, qui n’est pas pour rien dans la vocation naturaliste de son fils photographe – et désormais cinéaste – regrette la disparition, en France, du grand tétras, qui fut sa première grande émotion d’observateur animalier. Il parle avec passion du « sauvage…de tout ce qui nous échappe »…et que Vincent Munier cherche à nous faire toucher du doigt depuis des années. Dans les Vosges, à force de patience et de silence, il filme et photographie toutes sortes d’oiseaux, d’insectes et de cervidés. Il parvient même à débusquer un très rare lynx, très occupé à trimballer un morceau de bidoche indéterminé. Le spectateur vit au rythme lent de ce trio paisible, sans l’inconfort des affûts et la morsure du froid et de l’humidité.
Ecoutez le gloussement du grand tétras
« Le chant des forêts » est une immersion dans un monde qu’on ne sait plus voir et entendre. Muni d’un matériel sophistiqué, Vincent Munier nous invite à un face-à-face saisissant, droit dans les yeux, avec un cerf imposant et son lynx très impressionnant. Le titre du film n’est pas trompeur et c’est un festival de sons étonnants : le grand-duc lance un râle qu’on pourrait qualifier d’orgasmique ; le lynx laisse échapper un feulement proche d’un cri de peur – celle que peuvent ressentir ses victimes – ; le grand tétras émet un gloussement étrange qui tient de la bille secouée dans une boîte en carton (difficile de trouver une équivalence !).

Simon Munier, regard ébloui du fils du réalisateur sur la nature. Photo Haut et Court
Ce fameux volatile aux plumes noires, aux « lunettes » rouges et au bec blanc a donc quasiment disparu de nos contrées mais reste très présent en Norvège. Le trio Munier s’y rend pour en admirer un spécimen, magnifique. De quoi rasséréner le grand-père, terriblement ému par ces retrouvailles. Grand-père qui retrouve un soupçon d’optimisme en admirant – au téléobjectif tant il est petit – un troglodyte, le plus petit des oiseaux « pas plus lourd qu’une coque de noix »…solide et fragile à la fois.
« Le chant des forêts » remplit son contrat, à savoir nous éblouir par des images extraordinaires (et une musique planante de Warren Ellis, Dom de la Nena et Margaret Standley) et nous faire réfléchir sur les outrages faits au monde naturel. Il reste cependant en-deçà de « La panthère des neiges », coréalisé par Marie Amiguet et Vincent Munier, dont les textes et les citations de Sylvain Tesson avaient une portée philosophique et littéraire qui manque ici.
« Le chant des forêts », de Vincent Munier, actuellement au cinéma.

