A la fois lumineuse et mystérieuse, Galatea Bellugi est à l’affiche de deux films qui viennent de sortir : « L’engloutie », de Louise Hémon, et « La condition », de Jérôme Bonnell. L’actrice de 28 ans y incarne deux jeunes femmes du début du XXe siècle luttant contre le poids des traditions.
Deux hasards rapprochent « L’engloutie » et « La condition » : leur sortie très proche, ce mois-ci, et le fait que ces deux films se déroulent à la même époque, durant l’hiver 1899-1900 pour le premier, 1908 pour le second. Galatea Bellugi en est l’incarnation principale, valeureuse jeune femme bousculée par les événements parvenant finalement par prendre en mains son destin.

Galatea Bellugi dans « L’engloutie ». Photo Take Shelter
Avec « L’engloutie », de Louise Hémon, l’actrice qu’on avait déjà repérée dans « L’apparition », de Xavier Giannoli (2018), « Tralala », des frères Larrieu (2021) ou « Chiens de la casse », de Jean-Baptiste Durand (2023), accède aux premiers rôles. Elle y interprète Aimée, une institutrice découvrant la rude vie des montagnards dans un hameau des Alpes vivant en autosuffisance durant tout l’hiver. Ses élèves sont peu nombreux : deux adolescentes, un petit garçon et une petite fille. Elle leur lit des livres, leur apprend le français, les ouvre sur le monde en leur montrant une carte géographique. Les adultes, peu diserts, échangent parfois d’obscurs propos en patois. Ils sont à peine plus nombreux qu’une famille, partageant leurs journées en sortie de chasse (pour les hommes) et travaux domestiques (pour les femmes). Le soir, dans les chaumières, un garçon un peu attardé joue de la vielle pendant que les aînés racontent des histoires et dansent – maladroitement. Deux jeunes hommes en pincent pour Aimée sans pouvoir exprimer ce mélange de désir et de frustration…
Un huis-clos oppressant noyé dans le blanc et l’obscurité
« L’engloutie » est un huis-clos noyé dans le blanc de la neige et l’obscurité des longues soirées confinées. Impressionnante, Galatea Bellugi affiche des joues rosies par le froid et une détermination presque désespérée face à un monde refermé sur lui-même et travaillé par les superstitions. Elle est pleine de tendresse pour ses élèves. Elle sait aussi à quel point elle exerce un pouvoir sensuel sur les hommes malgré l’engoncement des habits. Pendant ce temps, la montagne se déchaîne, multipliant les avalanches comme autant de parallèles aux passions humaines…
Louise Hémon sait installer une atmosphère oppressante, nous immerger dans un monde étouffant. Sa mise en scène nous attrape au col et ne nous lâche plus. Un sentiment renforcé par une photographie « extrême », signée Marine Atlan, qui alterne le sombre et l’éclatant, et une musique puissante d’Emile Sornin, à la fois ample et heurtée, judicieusement inspirée d’Ennio Morricone.

Galatea Bellugi et Louise Chevillotte dans « La condition ». Photo Lise Neiszawer
Dans « La condition », de Jérôme Bonnell, Galatea Bellugi incarne Céleste, jeune servante d’un couple bourgeois dirigé de façon autoritaire par un notaire (Swann Arlaud) sous l’emprise d’une mère handicapée et tyrannique (Emmanuelle Devos). En notable de son temps, évidemment détestable, le juriste s’assoit sur ses principes en couchant avec la bonne…qui tombe enceinte de ses œuvres. Le tableau sociologique, plutôt attendu, prend une forme plus originale quand Victoire, l’épouse trahie (Louise Chevillotte) devient la complice de son employée quand celle-ci accouche. Le duo va imaginer une vengeance bien sentie en envoyant tout valser…
Belle amitié féminine
A l’opposé de « L’engloutie », film âpre et austère, « La condition » est très classique dans sa forme et beaucoup plus prévisible. Il n’en reste pas moins éclairant dans sa description d’un monde hypocrite – monde qu’on aurait tort de croire totalement disparu. Et il nous touche par la finesse de sa trame psychologique dans le portrait d’une belle amitié féminine magnifiquement portée par Galatea Bellugi et Louise Chevillotte.
« L’engloutie », de Louse Hémon, actuellement à l’affiche.
« La condition », de Jérôme Bonnell, actuellement à l’affiche.

