Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Roman policier de Philibert Humm
Philibert Humm est une sorte d’écrivain en série. Après Roman fleuve (prix Interallié 2022) et Roman de gare, il vient de publier Roman policier. Bon, il faut reconnaître que le titre est un brin trompeur. Ne vous attendez pas ici à des meurtres sanglants, à des policiers ou des privés sortis de chez Chandler voire – dans un autre genre – de chez Agatha Christie. Le terrain de prédilection et de jeu du jeune écrivain est notre bon vieux pays, en général vu de province. Nous voici donc à Pau où depuis quelques années les « U » disparaissent des enseignes de certains commerces. Les boucheries deviennent « bocheries » et les restaurants « restarants ». Pourquoi la lettre « U » est-elle la cible ? Qui est l’auteur de ce forfait en forme de farce ? Face à ce fait divers étrange, Philibert Humm et l’un de ses amis, le comédien Vincent Dedienne, bientôt rejoints par un troisième larron, décident de se rendre dans la capitale du Béarn afin d’élucider l’affaire…

Philibert Humm
Victimes du voleur et témoins putatifs sont interrogés avec plus ou moins de bonheur par nos inspecteurs Columbo en herbe. Assez vite, des suspects sont dans leur viseur : des rugbymen en troisième mi-temps, un promeneur de chien, la réceptionniste de l’hôtel Bristol et même Lionel Jospin (pour un motif que l’on laissera découvrir au lecteur).
La beauté du geste
Fausses pistes et extrapolations abondent. Faut-il chercher la clé du mystère du côté de La Lettre volée d’Edgar Allan Poe ? A son habitude, Philibert Humm s’amuse, interpelle le lecteur et les jurés de l’académie Goncourt, ressuscite des mots et des expressions que plus personne – ou presque – n’emploie. On boit pas mal de godets dans Roman policier, on mange des plats roboratifs, on a des soirées émouvantes et des petits matins difficiles. La vie, quoi. Les ombres de Pierre Desproges, René Fallet, Marcel Aymé ou Alexandre Vialatte passent par là.
L’auteur des Tribulations d’un Français en France prend au sérieux les choses légères et évoque avec légèreté les choses graves. C’est une manière d’élégance dans une époque grossière, tapageuse, gueularde. Le pays qu’il décrit ressemble plus à un film de Tati ou à un dessin de Sempé qu’à un plateau de CNews. Mine de rien, il y a une morale – ou au moins une devise – dans ce vrai-faux roman policier : « C’est d’autant plus nécessaire que c’est inutile. » Célébrant « la beauté du geste » contre « les crétins, les marchands de soupe, les prophètes d’apocalypse », l’écrivain nous rappelle que la fantaisie est invincible. Et c’est ainsi que Humm est grand.
Roman policier • éditions des Equateurs


