Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Les derniers jours de l’apesanteur de Fabrice Caro
La rentrée littéraire est lancée et l’on ne peut que conseiller la lecture du nouveau roman de Fabrice Caro sorti le 14 août. Le célèbre auteur de bande dessinée sous le nom de Fabcaro (on lui doit notamment Zaï zaï zaï zaï ou les derniers albums d’Astérix) poursuit une œuvre de romancier assez singulière dans le paysage littéraire sentimental puisqu’elle explore une veine burlesque et fantaisiste trop rare sous nos latitudes. Pas de sujet de société sous sa plume, d’histoire de viol ou de transfuge de classe, d’exofiction ou d’autofiction, mais les aventures drolatiques de personnages confrontés à des situations inextricables. Le discours (adapté au cinéma par Laurent Tirard), Samouraï, Journal d’un scénario ou Fort Alamo sont ainsi des petits bijoux d’humour où le sens de l’observation, de la narration et du détail fait merveille.

Fabrice Caro © Francesca Mantovani / Gallimard
Avec son septième titre, Fabrice Caro entraîne le lecteur en 1989, l’année du bac pour Daniel et ses deux meilleurs amis, Justin et Marc. Pour ces trois-là, le monde des filles intrigue autant qu’il effraie. On pense les séduire en leur offrant des cassettes audio savamment composées. La virginité est un sparadrap encombrant. Malgré l’épreuve du baccalauréat qui s’approche inexorablement, les fêtes se multiplient. On n’est pas sérieux quand on a dix-huit ans. La disparition mystérieuse d’un élève du lycée fouette les imaginations. Daniel et ses amis vont se muer en enquêteurs intrépides.
La nostalgie, camarade
Les derniers jours de l’apesanteur reconstitue une époque avec ses marqueurs, ses codes vestimentaires, ses musiques, son bruit de fond. Surtout, Fabrice Caro saisit à la perfection les doutes, l’insouciance, les espoirs, les maladresses d’un âge avec drôlerie et tendresse. On singe les adultes, mais le vernis de l’adolescence réduit à néant ce jeu de rôles. S’il ne néglige pas la comédie (voir notamment les cours particuliers donnés par Daniel à une collégienne limite retardée) et lorgne vers le drame criminel, Les derniers jours de l’apesanteur fait entendre une petite musique mélancolique, aussi discrète que touchante.
« Je n’avais pas le recul nécessaire pour être nostalgique. Le passé était encore trop proche pour être émouvant », confie à un moment Daniel. A la fin du roman, la nostalgie s’invite. Tout ce bonheur qu’il ne savait pas apparaît comme par magie : « Par un élan réflexe, sans même nous concerter, nous sommes allés nous asseoir sur notre banc. Nous sommes restés un temps silencieux, silencieux et souriants, observant le ballet d’échecs et de gloires qui se jouait entre nous. Conscients que c’était peut-être la dernière fois que nous étions assis tous les trois ici. Nous allions quitter un cocon qui nous enveloppait depuis toujours et dont nous n’avions même plus conscience pour plonger dans l’incertain. Une fois que nous serions sortis de cette cour, que nous aurions franchi la grille, plus rien ne serait comme avant. Derrière ce portail, c’était la fin d’un cycle, de nos années lycées, de notre adolescence, des années 80. Nous venions de vivre les derniers jours de l’apesanteur. »
Les derniers jours de l’apesanteur • Sygne / Gallimard