Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Samedi soir, dimanche matin de Karel Reisz
Sorti en 1960, le premier long métrage de Karel Reisz, né dans une famille juive de Tchécoslovaquie en 1926 et réfugié à Londres à l’âge de douze ans, fut l’une des œuvres emblématiques du « Free cinema » britannique (dont Tony Richardson et Lindsay Anderson seront également des figures de proue), mouvement que l’on assimila à la Nouvelle Vague française. On y découvre Arthur, jeune ouvrier travaillant à la chaîne dans une usine de Nottingham, qui tente d’oublier son quotidien les week-ends au cours desquels il s’enivre dans des pubs ou des clubs où la bière coule à flots. S’il entretient une relation avec la femme d’un collègue plus âgée que lui, Brenda, la rencontre avec une jeune fille de son âge, lui ouvre d’autres perspectives.
Mélange de réalisme (Reisz vient du documentaire) et de libre chronique autour d’un milieu (la classe ouvrière), d’une génération et d’une époque, Samedi soir, dimanche matin enchaîne des scènes apparemment anodines, mais qui dessinent parfaitement leur sujet. La Seconde Guerre est encore proche, des modes de vie semblent ne pas avoir changé depuis le XIXème siècle et pourtant la modernité s’annonce : musique, libération des mœurs, société de consommation. Arthur voudrait échapper à une existence dont le seul horizon serait le mariage et un certain confort matériel, continuer à défier les règles et les chemins tout tracés, mais au profit de quoi ?
Jeune homme en colère
Adapté d’un roman d’Alan Sillitoe, écrivain-phare du mouvement des « Angry Young Men » et également scénariste ici, le film de Reisz pose un regard empathique sur une classe ouvrière et des gens ordinaires qu’il se garde d’idéaliser. Manière de « rebelle sans cause » (le titre original de La Fureur de vivre sorti cinq ans plus tôt), Arthur – magistralement interprété par Albert Finney qui signait ses débuts au cinéma – se débat en colère et résignation. Le noir et blanc somptueux de Freddie Francis contraste avec les décors parfois désolés, les tranches de vie graves ou tragiques, les destins déjà écrits qu’il fixe. Aucun pathos cependant dans le tableau de ces existences simples et modestes.
Après cet énorme succès public et critique, Karel Reisz signera d’autres films marquants du cinéma anglais des années 1960 (Morgan, Isadora) avant de faire carrière à Hollywood où il réalisera notamment Le Flambeur, Les Guerriers de l’enfer ou La Maîtresse du lieutenant français. Quant à Samedi soir, dimanche matin, son empreinte sera également prégnante dans la culture pop et la musique : de John Lennon aux Smiths en passant par Madness.