Qualifié pat Thibaut Garcia lui-même d’OVNI de la guitare, Yamandu Costa était l’invité exceptionnel du deuxième concert de la saison Toulouse Guitare. Ce 24 novembre 2024, l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines a hébergé la révélation à Toulouse d’un talent d’exception célébré dans le monde entier. Le public curieux, venu nombreux, attiré par la nouveauté de la proposition musicale, a bruyamment manifesté un enthousiasme délirant tellement justifié !
Rappelons que Yamandu Costa, né à Passo Fundo, dans l’état brésilien du Rio Grande do Sul, a commencé à jouer de la guitare à l’âge de 7 ans avec son père Algacir Costa, leader du groupe musical « Os Fronteiriços » (Les Frontaliers). Il s’est perfectionné avec Lucio Yanel, Argentin virtuose installé au Brésil. Jusqu’à l’âge de 15 ans, son unique école fut la musique régionale du Sud du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay. La découverte des grands musiciens et compositeurs brésiliens comme Radamés Gnattali, Baden Powell, Tom Jobim, Raphael Rabello, et d’autres, lui a permis de se forger une personnalité musicale d’une grande originalité. Sa prestation toulousaine a démontré que toutes ses interventions réinventent le rôle de la guitare dans la performance musicale.
Néanmoins, le récital flamboyant de Yamandu Costa, ce dimanche 24 novembre, est précédé de l’intervention, devenue traditionnelle, d’un jeune guitariste en cours d’études, en l’occurrence de Robin Tahar, étudiant à l’IsdaT, déjà largement apprécié dans une précédente saison. Alors qu’il vient de remporter un important 1er Prix de composition, Robin Tahar ouvre le concert avec un programme qui comporte deux pièces très différentes. Il souligne tout d’abord avec finesse la poésie nostalgique, l’éloquence du Tombeau sur la mort de M. Comte de Logy de Silvius Leopold Weiss (1687-1750). Il enchaîne cette pièce avec Aquarelle, composée par le Brésilien Sérgio Assad né en 1952. De subtiles modulations ménagent une transition parfaitement musicale entre les deux mondes.
L’arrivée de Yamandu Costa ouvre un moment particulier de communion de l’interprète avec le public, mais surtout avec son instrument, une magnifique guitare à 7 cordes aux sonorités d’une grande richesse. Tout au long de la soirée, cette communion est telle qu’on se demande si la guitare n’est que le prolongement naturel de son propre corps ou l’inverse ! Comme il l’indique lui-même, le musicien joue avec le micro, ou plutôt avec les micros. Car il ne se contente pas de jouer (et comment !) : il chante, il siffle, il « percussionne » de tout son corps, comme l’homme-orchestre qu’il devient. En outre, son récital est ponctué d’un recours périodique à la boisson traditionnelle du « mate », cette infusion originaire du sud « gaucho » du Brésil sirotée dans son « chimarrão » tout aussi traditionnel.
Ses doigts courent sur les cordes de sa guitare avec une virtuosité que l’on n’aurait pas crue possible. Les pièces s’enchaînent avec un naturel et une imagination superlatives. De nombreux passages proprement diaboliques alternent parfois avec une halte nostalgique pleine de poésie. La variété incroyable des rythmes qu’il produit ou invente donne le vertige. Le répertoire qu’il investit mêle les traditionnels de son Brésil du sud et ses propres compositions, adaptations ou transcriptions. Parmi les pièces qu’il identifie, on note une de ses compositions pour Michel Legrand qu’il admire et dont il s’inspire avec finesse. Il joue également une vivifiante Polka du Paraguay et son émouvante Samba pro Rapha, un hommage au compositeur Raphael Rabello, disparu prématurément en 1995.
Quelques chansons pleines de poésie complètent son parcours instrumental. L’une d’entre elles évoque notamment le vol des oiseaux, la douceur d’un repos en hamac au clair de lune, le passage de femmes en blanc…
Les échanges avec le public tissent des liens sincères et touchants tout au long de cet après-midi dominical longuement applaudi par tous ceux qui ont pu avoir accès à cet événement, alors que plusieurs dizaines de spectateurs ont dû y renoncer par manque de places.
Un grand merci à Toulouse Guitare pour cette découverte in loco d’un talent exceptionnel !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse