Très remarqué lors du dernier Festival de Cannes (sélection Un certain regard), « Le royaume », de Julien Colonna, est un premier film impressionnant, à la fois chronique familiale et thriller haletant.
La Corse est de plus en plus souvent à l’affiche des cinémas, personnage en soi entre ombre et lumière, splendeurs naturelles et violents règlements de comptes. Après « Borgo », de Stéphane Demoustier, et « A son image », de Thierry de Peretti, Julien Colonna nous fait pénétrer une nouvelle fois dans un monde criminel obéissant à ses propres règles ancestrales, implacables. « Le royaume » du titre est celui d’une famille dont le père est un gangster, souvent éloigné de sa fille adolescente pour mieux la protéger. Nous sommes en 1995, en pleine guerre des gangs, et la jeune fille va peu à peu découvrir le vrai visage de son géniteur, aussi tendre en privé qu’il peut être terrifiant pour ceux qui s’en prennent à ses affaires. Contre la volonté de son paternel, elle va se glisser dans sa planque, petite souris domestique tentant de se faire adopter par une bande de gros durs…
« Le royaume » est la fois la chronique subtile d’un amour filial chaotique et un film d’action intense dont on comprend rapidement qu’il ne peut se terminer que dans un bain de sang. Acteur non professionnel (il est agriculteur et guide de montagne !) Saveriu Santucci interprète avec force le personnage principal. Sa fille de cinéma, Ghjuvanna Benedetti, est, elle aussi, une révélation spectaculaire, dont le regard perçant nous poursuit longtemps après la projection. Comme dans « Borgo », le reste de la distribution est parfait, réunissant des « gueules » qui ne doivent rien à la caricature. Scénariste (avec Jeanne Herry), metteur en scène, directeur d’acteurs : pour son premier long-métrage, Julien Colonna vise juste et atteint parfaitement sa cible.