Une mini-série sur l’émission de télé-réalité « Loft Story » plus de vingt ans après sa diffusion ? Cette drôle d’idée a donné naissance à une parfaite réussite.
C’est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Avril 2001, la version française de l’émission néerlandaise « Big Brother » débarque sur les écrans de l’Hexagone, en l’occurrence ceux de M6 qui s’affichait comme « la petite chaîne qui monte ». Le principe : onze garçons et filles célibataires, âgés de 18 à 35 ans, vont vivre ensemble et être coupés du monde dans un loft de 225 mètres carré, doté d’un jardin et d’une piscine (ce dernier détail aura son importance), durant 70 jours. Filmés 24 heures sur 24 (sauf dans les toilettes), leurs paroles, faits et gestes sont diffusés sur Internet, TPS et M6. Chaque semaine, un candidat, désigné par le vote du public, doit quitter le Loft jusqu’à ce qu’il n’en reste que deux.
Culte, mini-série de six épisodes d’une durée de moins d’une heure, retrace la genèse et l’avènement de l’émission qui suscita à la fois un engouement populaire et d’innombrables polémiques. Les médias se déchaînent, les politiques s’en mêlent, le CSA intervient, tout le monde a son avis sur le programme. Certains dénoncent la naissance d’une télé-poubelle. Quel spectacle que ces jeunes désœuvrés, vulgaires, narcissiques, exhibitionnistes satisfaisant le voyeurisme des téléspectateurs ! Les arbitres des élégances s’étranglent. D’autres, plus avisés, estiment que Loana, Jean-Edouard, Kenza et les autres n’ont pas été créés par la télévision, mais sont le reflet d’une certaine réalité. A la niaiserie consistant à pleurnicher « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », « Loft Story » amène une question plus dérangeante : « A quels enfants allons-nous laisser le monde ? »
Poker menteur
On songe aux séries de Doug Ellin (Entourage, How to Make It in America) et à Aaron Sorkin (le créateur des séries A la Maison-Blanche et The Newsroom, le scénariste de The Social Network de David Fincher, le réalisateur du Grand Jeu) à la vision de Culte conçu par Matthieu Rumani, Nicolas Slomka. Rythme effréné, dialogues qui crépitent, virtuosité de la narration, qualité des interprètes : le résultat est bluffant. Dans les coulisses, le jeu de poker menteur entre les ambitieux producteurs du programme, TF1 et M6 est un régal. Une jeune femme de 24 ans va prendre au forceps et au culot les commandes de l’émission. Hypocrisie, mensonges et trahisons sont de la partie.
On reconnaît les doubles fictionnels d’Alexia Laroche-Joubert (qui a collaboré à la création de Culte), de Patrick Le Lay, de Nicolas de Tavernost ou de Stéphane Courbit tandis que d’autres personnages sont purement imaginaires. Un seul regret : que la série ne compte que six épisodes, mais mieux vaut frustrer que lasser. Après Le Bureau des légendes, D’argent et de sang, Becoming Karl Lagerfeld ou Cœurs noirs, Culte nous montre que certaines séries françaises peuvent rivaliser avec les productions américaines, britanniques, espagnoles ou israéliennes.