Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Sur les quais d’Elia Kazan
Après Un Tramway nommé Désir qui fit de lui une star et Viva Zapata !, Marlon Brando se trouve pour la troisième fois devant la caméra d’Elia Kazan en 1954 avec Sur les quais qui récoltera huit Oscars. Il y incarne Terry Malloy, docker au port de New York, qui se rend complice, à son insu, de l’assassinat de l’un de ses collègues par le puissant syndicat des dockers, véritable organisation mafieuse. Le syndicat, tenu d’une main de fer par Johnny Friendly épaulé notamment par Charley Malloy, frère de Terry, fait régner la terreur. Attiré par la belle Edie, sœur de la victime, et encouragé par un valeureux prêtre se dressant contre le syndicat, Terry est tiraillé. Ceux-ci le poussent à briser la loi du silence et à dénoncer les agissements du syndicat, mais peut-il se retourner contre sa propre « famille » ?
Impossible de détacher le propos de Sur les quais du contexte de l’époque et de l’attitude d’Elia Kazan durant la « chasse aux sorcières » initiée par le sénateur McCarthy. Ancien membre du Parti communiste, Kazan témoigna en 1952 devant la Commission des activités anti-américaines et livra les noms de huit personnes. Deux ans plus tard, le film apparaît ainsi comme une apologie de délation et un exercice d’autojustification de la part du cinéaste (et de son scénariste, Budd Schulberg, qui témoigna également). On voit ainsi le personnage interprété par Brando se présenter devant une commission enquêtant sur le syndicat des dockers pour dénoncer courageusement les crimes de l’organisation…
Le chemin de la rédemption
Au-delà de cette dimension, Sur les quais incarne parfaitement le cinéma de Kazan, inspiré par le théâtre, porté sur les drames et les passions humaines, donnant la part belle aux comédiens (outre Brando, Karl Malden, Rod Steiger, Lee J. Cobb et la débutante Eva Marie Saint sont au casting). Tourné largement en décors naturels dans une superbe photographie en noir et blanc, le film entremêle habilement les genres : mélodrame, chronique sociale aux accents documentaires, romance, film noir…
En ancien boxeur ayant sacrifié sa carrière sur l’autel de la corruption, Marlon Brando se glisse dans la peau d’un homme sur le chemin de la rédemption. Grâce à un prêtre et à l’amour d’une pure jeune femme, il va donc racheter ses péchés et entraîner ses camarades dockers dans la voie de la lumière. La dernière scène nous montre ainsi un Terry Malloy christique, ultime pied-de-nez de Kazan à ses engagements passés…
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