Les Graines du figuier sauvage un film de Mohammad Rasoulof
Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof le sait, mieux qui quiconque, le régime des mollahs qui gouverne son pays depuis la destitution de la dynastie Pahlavi, n’est pas particulièrement porté sur la Culture, ni sur l’émancipation de la femme. Ayant opté pour une violence incroyable, il réprime tout tentative de mise en cause de sa politique. Il convient donc de saluer bien bas le dernier opus de ce réalisateur, tourné alors qu’il est en exil depuis deux ans en Allemagne. Mais le courageux geste politique se double ici d’un geste cinématographique d’une saisissante intensité.
Dans une sorte de docu-fiction ponctué de véritables images des violences perpétrées ces dernières années en Iran par la police, Mohammad Rasoulof nous met dans les pas d’une famille plutôt aisée, dans laquelle le patriarche, Iman, vient d’être promu enquêteur au tribunal révolutionnaire, la dernière marche avant le graal, le poste tout puissant de juge d’instruction. Très vite, cet homme, pieux certes, mais avec des convictions morales, va déchanter. Son activité journalière consiste, sans autre forme de procès, à signer des condamnations à mort. En contrepartie vont lui être attribués un meilleur salaire, un plus grand appartement, une voiture, etc. Sa nomination tombe au moment des premiers mouvements d’insurrection de la population qui virent leur acmé après l’assassinat par la police, en décembre 2022, d’une étudiante, Mahsa Amini, portant des vêtements jugés inappropriés par les mollahs. Le soulèvement, en particulier des jeunes femmes iraniennes, va faire écho dans cette famille. En effet, les deux filles d‘Iman vont prendre fait et cause pour le mouvement, au grand dam de la mère qui ne sait de quel côté se tourner pour garder un semblant d’équilibre familial. La situation se complique considérablement lorsqu’Iman ne retrouve plus son révolver de service. La paranoïa va s’emparer de ce fonctionnaire qui ne tardera pas à faire ses choix…
Sous couvert de fiction « informée », le réalisateur signe ici un thriller d’une intensité à la limite du supportable. Stupéfiants de justesse de ton, les acteurs (Misagh Zare, Soheila Golestani, Mahsa Rostami et Setareh Maleki, incarnent avec des accents que l’on devine très profonds, ces personnages traqués par un pouvoir théocratique inhumain.
La fin vous laissera totalement anéanti.