Les Grands Interprètes avaient bien fait les choses. Deux courants favorables allaient s’allier pour que la Halle affiche pratiquement complet en ce dernier concert du mercredi 29 mai 2024. D’une part, la nouvelle star française du clavier, le jeune Alexandre Kantorow qui interprète une œuvre phare de Frédéric Chopin, le Concerto pour piano n°2. Et d’autre part, pour clore, l’irrépressible Boléro de Maurice Ravel, véritable aimant, faisant baisser “sacrément“ la moyenne d’âge du public !
Au bilan, plein succès pour un public absolument ravi qui aura même droit à deux Encore par le pianiste, une pièce de Franz Liszt extraite du livre Harmonies poétiques suivi d’une bien plus rare Danny boy de Keith Jarrett, mais aussi deux Encore par tout l’Orchestre à savoir la fameuse Bacchanale de l’opéra Samson et Dalila de Saint-Saëns puis la Pavane de Gabriel Fauré. C’était l’Orchestre National de France qui achevait ici même sa tournée avec son Directeur musical Cristian Măcelaru. On se permettra de signaler que le Boléro fut comme on pouvait le souhaiter, se déployant avec force, concision, et transparence avec une caisse claire sans peur et sans reproche d’un bout à l’autre des dix-sept minutes habituelles. Un chef menant ses musiciens de façon souple et ferme à la fois, burinant les détails sans perdre de vue l’ensemble de la partition, fortement aidé en cela par des interventions de solistes exemplaires. En un mot, sûrement plus qu’une simple performance orchestrale.
Auparavant, La Mer de Claude Debussy avec ses trois esquisses symphoniques, une vision vive, alliant le sens des couleurs à une implacable rigueur rythmique, une mer particulièrement puissante et agitée, m’a-t-il semblé. Une progression de la lumière dans le premier volet habilement graduée puis comme une sorte de souplesse volatile dans Jeux de vagues et enfin, une énergie impérieuse dans Dialogues du vent et de la mer avec comme une lutte épique des éléments. Clarté, ampleur, équilibre, toutes les lignes de force de cette partition debussyste sont bien mises en lumière à l’évidence.
Si nous revenons à Alexandre Kantorow, sans trop se répéter, il est d’une souveraineté technique absolue, mais à des années-lumière d’une virtuosité gratuite. Au-delà de la souveraineté instrumentale, il ajoute l’expressivité avec une qualité d’émotion d’autant plus remarquable que l’artiste est d’une simplicité superlative. Il suffit d’avoir encore à l’oreille son Larghetto. C’est d’un raffinement sans maniérisme aucun. Le public ne s’y est pas trompé. Il a adopté tout de suite l’artiste. Et, pas besoin d’être pianiste pour se faire.