Le Jeu de la reine, un film de Karim Aïnouz
Le réalisateur brésilien Karim Aïnouz est à l’évidence fasciné par la dernière épouse du roi d’Angleterre Henri VIII (1491-1547). Il s’agit d’une personnalité peu connue : Catherine Parr (1512-1548). Avant elle s’étaient succédées officiellement dans la couche royale : Anna Boleyn et Catherine Howard, toutes deux décapitées sur ordre du roi, Catherine d’Aragon, répudiée, Jeanne Seymour, qui n’a pas survécu à son accouchement et Anne de Clèves dont le mariage avec le souverain fut annulé.
Le film retrace les dernières années du roi le plus despotique et cruel de l’histoire britannique. Obèse et pourrissant littéralement sur pied, lui qui avait été un souverain d’une intelligence et d’une stature qui glorifiaient la Perfide Albion, est alors un débris pathétique mais dangereux résistant à la réforme religieuse née sur le Vieux Continent. Manipulé par l’évêque Etienne Gardiner (1497-1555), il finira par faire emprisonner Catherine Parr pour fait de trahison théologique, celle-ci étant perméable aux idées de Luther. Nous voici donc au cœur des conflits politico-religieux dans cette Angleterre des débuts du 16e siècle. La reconstitution, tout particulièrement les costumes et les bijoux, est absolument somptueuse, les éclairages donnant à ces velours, ces soies et autres gemmes, des couleurs et des reflets fleurant bon ce que Rembrandt peint un demi-siècle après ces évènements. C’est dire. Sur une direction d’acteur millimétrée, Jude Law, totalement méconnaissable en Henri VIII, est effrayant de cynisme et de brutalité. Alicia Vikander incarne une Catherine Parr libre, volontaire, lumineuse mais terriblement téméraire et imprudente. Des seconds rôles au cordeau achèvent de faire de ce film une véritable et magnifique leçon d’histoire nous révélant une personnalité féminine injustement passée sous les radars de l’Histoire, si ce n’est des historiens.