Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Oslo, de mémoire de Didier Blonde
Didier Blonde est de ces écrivains pour happy few, de ces auteurs dont on se passe les titres des livres comme des sésames. Oslo, de mémoire, en librairie depuis le 4 avril, ne décevra pas ses amateurs et – on l’espère – accroîtra le cercle de ses lecteurs. Dans ce roman, qui a tout du récit autobiographique, le narrateur reçoit en mars 2011 une lettre postée d’Oslo d’une réalisatrice, Liv Fure, qui prépare pour une chaîne de la télévision norvégienne un documentaire sur les années que la romancière Cora Sandel passa à Paris, de 1906 à 1921, dans le quartier de Montparnasse. Liv Fure souhaiterait qu’il l’assiste dans ses recherches et son tournage. Ce sont les livres dans lesquels il raconte ses enquêtes sur d’anciennes actrices oubliées du cinéma muet qui ont suscité chez la Norvégienne l’envie de solliciter cet homme qui travaille par ailleurs aux archives de Gaumont-Pathé.
Après quelques hésitations, il accepte la proposition qui, comme par infusion, par capillarités, va réveiller d’anciens et vagues souvenirs. Trente ans plus tôt, le bac en poche, il avait entrepris avec un ami un périple en 2CV qui les mena le temps d’un été jusqu’à Oslo. Là, après avoir fait faux bond à son compagnon, il rencontra une jeune fille, Inga, chez laquelle il vécut deux ou trois semaines. Un premier amour resté sans lendemain.
Chasseur de fantômes
L’art et la manière de Didier Blonde consistent ici à faire d’un fil aussi ténu qu’intime un récit aux accents universels. En superposant ou en mariant les destins de Cora Sandel, d’Inga, de Liv Fure et du narrateur, l’écrivain compose un puzzle subtil et limpide composé de photos volées, d’un vieux plan déchiré, de recherches sur Internet, de lointaines réminiscences. Le tournage du documentaire va quant à lui éveiller d’autres sentiments et correspondances tandis qu’une obsession s’impose peu à peu : peut-il retrouver Inga trente ans plus tard ?
Avec Oslo, de mémoire, l’auteur de L’Inconnue de la Seine et de Leïlah Mahi 1932 (prix Renaudot de l’essai 2015) signe un livre très émouvant sur les jeux de l’oubli et de la mémoire, « la poussière du temps », les rêves qui ne se rejoignent pas. Une douce mélancolie et une nostalgie sans ostentation irriguent ces pages écrites dans une langue souveraine. Chasseur de fantômes, de rêveries, d’« étoiles filantes », Didier Blonde reconstitue des destins qui s’ignorent et qui se croisent. Voici des vies fragiles, évanescentes et pourtant plus concrètes et réelles que les artefacts numériques de notre présent. « Rien n’est jamais perdu, rien ne s’efface définitivement », nous souffle l’écrivain. Nous aimons le croire.