Hors-saison, un film de Stéphane Brizé
Un acteur de cinéma, très connu et au sommet de sa gloire, se trouve pris dans les rets de la cinquantaine et l’échéance angoissante d’un premier bilan personnel. La désillusion affleure…
Une thalasso dans un palace somptueux mais complétement aseptisé sert de refuge à Mathieu, acteur célèbre, reconnu par tout le monde. Toute la thérapie possible mise à sa disposition (bains à remous, applications de boue, d’algues, etc.) ne servent évidemment à rien si ce n’est à le conforter dans un mal-être profond qui vient de le surprendre alors qu’il aborde son demi-siècle. Pour le dire simplement, il déprime, pleurant à chaudes larmes, seul dans sa chambre, simplement vêtu de son peignoir. C’est alors que fait irruption dans ce no man’s land sans vice ni vertu, un professeur de piano, Alice. Quinze années auparavant, tous les deux ont vécu une liaison qui s’est achevée dans la violence d’une séparation qui a laissé la jeune femme en vrac. Depuis elle s’est mariée. Tout comme lui d’ailleurs. Mais voilà, sous les cendres de cet amour évanoui brûle encore la braise d’un désir puissant.
Stéphane Brizé nous a habitué à des films militants d’une rare intensité pour ne pas dire déstabilisants (La Loi du marché, en 2015, En guerre, en 2018). Le voici sur un autre mode, plus intime, peut-être même plus introspectif, mais qui appartient certainement à ce même sentiment foudroyant qu’est la désillusion. Lorsque celle-ci se conjugue sur les thèmes de la trahison et de l’abandon, qu’il s’agisse des univers de l’humain ou de celui de l’entreprise, les dégâts sont les mêmes. En choisissant Guillaume Canet pour incarner Mathieu, le réalisateur fait coup double. Tout d’abord il distribue un acteur parmi les plus sensibles de notre paysage du 7e art hexagonal, ensuite, il lui fait endosser (et qui l’aurait mieux fait ?) le rôle de la célébrité se posant tout à coup la question de sa véritable existence, en dehors des selfies qui le poursuivent ici jusque dans l’intimité de ses soins. Quoi en fait de plus dérisoire, de plus vain et sans lendemain ? Qui plus est, le temps passe… Et s’il ne servait finalement à rien. Cette introspection abyssale trouve en Guillaume Canet un fantastique écho, quitte à ce que le comédien se mette clairement en danger. Du grand art qui n’atteindrait pas un pareil niveau d’émotion s’il n’avait en face de lui Alba Rohrwacher, Alice lumineuse jusqu’à l’aveuglement, l’éblouissement, à se demander comment Mathieu…. Cette actrice italienne cache à peine au fond de ses regards une passion et une puissance de feu qui mettront Mathieu face à son (in)existence de star.
Un très beau film, porté par deux comédiens à leurs zéniths.