Le 12 mars dernier, en la basilique Saint-Sernin de Toulouse, l’Ensemble Clément-Janequin et Les Sacqueboutiers étaient les invités de la saison des Arts Renaissants. Au cours de cette soirée particulière, la magie du lieu et celle des musiques interprétées ont séduit un public nombreux et conquis par l’originalité et la rareté du programme proposé par des artistes accomplis.
Le Directeur musical de l’association Les Arts Renaissants, Jean-Marc Andrieu présente tout d’abord la soirée en compagnie d’Henri Dalem, le nouveau directeur d’Odyssud-Blagnac. Cette institution, actuellement en pleins travaux de rénovation, a noué un partenariat avec Les Arts Renaissants pour la production de ce beau spectacle musical.
Des liens étroits, aussi amicaux que musicaux, se sont tissés au cours des ans entres les musiciens des deux ensembles invités. Créé en 1978, l’ensemble vocal Clément-Janequin n’a pas tardé à s’associer avec Les Sacqueboutiers, fondés deux ans plus tôt. Voix et instruments composent une entité aussi complice que complémentaire dans l’exploration d’un répertoire majoritairement centré sur la riche période de la Renaissance.
Le programme original et imaginatif de cette soirée du 12 mars s’articule autour de la figure du compositeur Pierre de La Rue (v. 1450-1518) dont les œuvres ont inspiré bon nombre de ses confrères et successeurs. Les musiciens ont conçu leur programme sous la forme de deux « Messe parodiques », genre très prisé à la Renaissance, rassemblant chacune des pièces de divers compositeurs, dont Pierre de La Rue. Dominique Visse, le fondateur de l’ensemble Clément-Janequin, a réuni des partitions traitant des mêmes références religieuses. Il a ainsi subtilement organisé le déroulement de chacune de ces deux messes à partir de pièces musicales proches ou complémentaires.
L’ensemble instrumental Les Sacqueboutiers est composé ce soir-là de Jean-Pierre Canihac, cornet à bouquin, Nicolas Trepp, sacqueboute, Philippe Canguilhem, chalemie, Laurent Le Chenadec, dulciane, Yasuko Uyama-Bouvard, orgue. Les chanteurs de l’ensemble vocal sont : Dominique Visse, haute-contre (et qui dirige en outre les deux ensembles), François-Olivier Jean, ténor, Hugues Primard, ténor, Vincent Bouchot, baryton, Renaud Delaigue, basse.
La première de ces messes, Missa pro defunctis, Requiem, s’ouvre sur un Introit d’une austère solennité signé de Pierre de La Rue et de Jean Richafort. Suivent un Kyrie, un Psaume, un Ofertorium, un Sanctus, un Agnus Dei et enfin une Communion. Certaines de ces pièces sont chantées a cappella, d’autres bénéficient d’un accompagnement instrumental. Si l’essentiel de cette première messe revêt un caractère sombre, quelques rythmes complexes animent le discours comme dans le Psaume, alors qu’une certaine lumière vient éclairer le Sanctus, intégralement signé Pierre de La Rue.
La diversité et les combinaisons subtiles des timbres vocaux et instrumentaux confèrent une richesse sonore particulière à ce déroulement.
Le second épisode, intitulé Messe des Batailles, illustre parfaitement le titre de ce programme : « L’homme armé, larmes et alarmes ». Le thème de « L’Homme armé » est à l’origine un chant écrit entre 1450 et 1463 sur un valeureux guerrier mort au combat. La référence musicale reste liée à la Messe « L’homme armé » de Guillaume Dufay. Ce thème a entraîné l’écriture de nombreuses messes à travers les siècles. Il a également inspiré une production importante de pièces instrumentales particulièrement virtuoses. Les Sacqueboutiers s’y illustrent brillamment, à commencer par la Pavane et Gagliarde de la Guerre de Pierre Phalèse ou encore le très brillant Tiento XXII de 6° tono sobre la Batalla de Morales, de Correa de Arauxo. Une pièce pour orgue seul, encore intitulée « L’Homme armé », de Guillaume Dufay, donne à Yasuko Uyama-Bouvard l’occasion de s’extraire de son rôle important de tenue du continuo. Les voix habiles et différenciées des Janequin explorent avec talent la série de Kyrie de Jean de Bournonville, Clément Janequin ou Giovanni Pierluigi Palestrina. La messe reconstituée (Sanctus, Hosanna, Benedictus) des mêmes compositeurs est également détaillée avec ferveur par les chanteurs. Cette Messe des Batailles se conclut sur l’enchaînement de trois Agnus Dei signés successivement de Pierre de La Rue, Pedro Bermúdez et Giovanni Pierluigi Palestrina.
Les chaleureux applaudissements motivent la tenue d’un bis de la même veine, le motet Da pacem Domine du compositeur français Jean Mouton (1459-1522). Une belle conclusion de ce concert particulièrement original. Si original que ce programme va être redonné à Bordeaux, le 15 mars, à Cuenca, en Espagne, le 25 mars, à Monte Carlo, le 7 avril, à Saint-Gély-du-Fesc (34), le 26 avril, à Evron (53), le 9 juillet, à Moûtiers (73), le 5 août…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse