Mercredi 28 février, 20h à la Halle, Jaap van Zweden nous rend visite avec son orchestre, le Hong Kong Philharmonic Orchestra : événement. Programme alléchant avec la Symphonie n°1 de Mahler “Titan“. Auparavant, la Rhapsodie sur un thème de Paganini sous les doigts de Rachmaninov, pardon, d’Alexandre Kantorow. Le programme proposera en outre une œuvre chinoise, Asterismal Dance (la danse des étoiles), composée pour cette occasion par le compositeur de Hong Kong, Daniel Lo.
L’Orchestre Philharmonique de Hong Kong est considéré à l’heure actuelle comme l’un des meilleurs orchestres classiques d’Asie. Sous la direction de Jaap van Zweden, qui assume la fonction de directeur musical depuis la saison 2012/13, il est également Directeur musical du New York Philharmonic. L’ensemble a atteint de nouveaux sommets dans l’excellence artistique et acquis la reconnaissance internationale. En 2019, il a achevé le cycle complet du Ring de Richard Wagner programmé sur quatre saisons. Pour cette performance, la revue internationale Gramophone l’a élu Orchestre de l’année, premier orchestre en Asie à recevoir une telle distinction. L’Orchestre Philharmonique de Hong Kong est le seul orchestre d’Asie à être invité dans le célèbre Musikverein de Vienne.
Daniel Lo Ting-cheung est l’un des compositeurs les plus actifs à Hong Kong. Son œuvre recouvre une large diversité de genres musicaux, depuis les pièces pour orchestre jusqu’aux installations sonores. Asterismal Dance écrite pour orchestre est un scherzo fantastique marqué par un rythme énergique. La composition fait exploser les formes musicales traditionnelles. Le matériau dérivé d’un motif de base unique parcourt les différents groupes d’instruments pour y rayonner à l’instar des étoiles dispersées dans le ciel. Une danse naît ainsi au fur et à mesure, aussi complexe que le cosmos lui-même.
Sergueï Rachmaninov
Rhapsodie sur un Thème de Paganini, op. 43
Série de vingt-quatre Variations au piano avec accompagnement orchestral sur une durée d’environ vingt-trois minutes.
« Je n’ai jamais pu totalement me décider ni savoir qu’elle était ma vrai vocation : celle de compositeur, de pianiste, ou de chef d’orchestre…J’ai peur, qu’en cheminant dans trop de domaines à la fois, je ne fasse pas le meilleur usage de ma vie. Comme le dit le vieux dicton russe : “J’ai couru trois lièvres à la fois, mais puis-je être sûr d’en avoir au moins attrapé un.“ » S. Rachmaninov
L’œuvre est entre les mains, que dis-je, livrée au talent invraisemblable du jeune pianiste Alexandre Kantorow, aux doigts de fer et mental d’acier, le virtuose surdoué, à la maîtrise technique hors du commun, au sens musical exceptionnel etc, etc et de plus d’une grande affabilité alors que son début de carrière a des fulgurances à la Kissin, c’est peu dire.
La Rhapsodie est écrite du 3 juillet au 18 août 1934 à Senar, lac des Quatre-cantons en Suisse, nouveau lieu de résidence de la famille du musicien.
La création, triomphale, c’est pour le 7 novembre 1934 à Baltimore aux Etats-Unis avec à la baguette sur l’estrade Léopold Stokowski.
Après une très rapide introduction avec un Allegro vivace et la Variation I suivi d’un Tema défileront sans interruption les Variations suivantes jusqu’à l’ultime XXIV.
Senar vient de Sergueï et Narvila, prénom de son épouse et donc, nom de baptême de la villa. Est-ce donc le somptueux piano offert par Frédérik Steinway qui transcende son inspiration? Le tout est que c’est cet été-là qu’il tient sa promesse et compose une nouvelle œuvre. Il peut donc écrire à son ami Wilshaw : « Il y a deux semaines, j’ai achevé un nouveau morceau. Il s’agit d’une Fantaisie pour piano et orchestre sous la forme de Variations sur un thème de Paganini (Liszt et Brahms l’ont déjà faites). » Il estime sa pièce relativement longue (au plus vingt-cinq minutes) soit, un peu comme un concerto, au bilan. Il envisage des corrections à venir après l’avoir “essayée“ à New-York, à Londres. On s’interroge sur ces facilités de déplacement en ces temps-là. Par bateau et les premiers avions avec passagers !!
Ici, la série de Variations est basée sur le célèbre 24ème Caprice pour violon de Niccolo Paganini, l’insensé violoniste et compositeur. Évidemment, Rachmaninov n’est pas parti pour une série de lamentations. L’allégresse est de mise dans toutes « les transformations à vue » que le compositeur fait subir au Thème. Il est dénombré onze sous-thèmes dans le caprice. Par espièglerie, sûrement, Rachmaninov en fera …24 Variations, comme il y a 24 Caprices. Et bien sûr, on ne va pas analyser chacune. Certaines ne font pas… trente secondes.
On peut admirer la virtuosité échevelée de certaines et mieux comprendre pourquoi tous les pianistes ne peuvent jouer cette pièce disons, intégralement.
Mais, les mains d’Alexandre Kantorow auraient-elles des similitudes avec celles de Sergueï Rachmaninov car, le compositeur, c’est aussi le génie d’une main dont l’écartement des doigts était tel, que très peu de pianistes peuvent exécuter parfaitement ses œuvres. Détail supplémentaire, il possédait l’oreille “absolue“ qui lui permettait de distinguer avec grande facilité les sons simultanés de différents instruments : ça aide, sûrement.
Gustav Mahler
Symphonie n°1 en ré majeur, Titan
I. Langsam – Schleppend – Wie ein Naturlaut (Lent – Traînant – Comme une voix de la nature)
Immer sehr gemächlich (Toujours très modéré)
II. Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell (Energique et animé, mais pas trop vite)
III. Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen (Solennel et mesuré, sans traîner)
IV. Stürmish bewegt (Orageux – Animé)
durée ~ 55 mn
« Toutes mes œuvres sont une anticipation de la vie qui vient. » G. Mahler
L’orchestration de la Première Symphonie, telle que nous la connaissons aujourd’hui date, à peu de choses près, de 1897 après de nouvelles révisions. Elle comprend bien sûr tous les pupitres de cordes, une harpe, les bois ou vents par quatre, mais de nombreux cuivres -sept cors, cinq trompettes, quatre trombones, un tuba-, ainsi que deux timbaliers et une percussion abondante. Le raffinement, et parfois même la nouveauté des sonorités ne cesse jamais de surprendre ni d’étonner, et cela d’autant plus que la plupart des inventions sonores les plus hardies se trouvent déjà dans le manuscrit de 1893.
Interrogé à ce sujet par sa fidèle amie Nathalie Bauer-Lechner, Mahler lui répond en 1900 : « Cela provient de la manière dont les instruments sont utilisés. Dans le premier mouvement, leur timbre propre est submergé par l’océan de sons, comme le sont ces corps lumineux qui deviennent invisibles à cause de l’éclat même qu’ils diffusent. Plus tard dans la Marche, les instruments ont l’air d’être travestis, camouflés. La sonorité doit être ici comme assourdie, amortie, comme si on voyait passer des ombres ou des fantômes. Chacune des entrées du canon doit être clairement perceptible. Je voulais que sa couleur surprenne et qu’elle attire l’attention. Je me suis cassé la tête pour y arriver. J’ai finalement si bien réussi que tu as ressenti toi-même cette impression d’étrangeté et de dépaysement. Lorsque je veux qu’un son devienne inquiétant à force d’être retenu, je ne le confie pas à un instrument qui peut le jouer facilement, mais à un autre qui doit faire un grand effort pour le produire et ne peut y parvenir que contraint et forcé. Souvent même, je lui fais franchir les limites naturelles de sa tessiture. C’est ainsi que contrebasses et basson doivent piailler dans l’aigu et que les flûtes sont parfois obligées de s’essouffler dans le grave, et ainsi de suite… » Pas étonnant que la critique hongroise accuse Mahler de cultiver l’étrangeté, la vulgarité, la bizarrerie, la cacophonie même, « anti-musicale », de manquer d’invention, de goût, et de ne se complaire que dans les effets orchestraux. L’homme est à terre, fort surpris d’être de la sorte…incompris.
> Autour de la genèse de sa première symphonie, cliquez ici
> Quelques indications sur les quatre mouvements de cette terrible et…enivrante partition !! cliquez ici