Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
En attendant la sortie le 17 août de son très beau Tout ce qui manque chez Allary Editions, on peut découvrir ou redécouvrir le premier roman de Florent Oiseau, Je vais m’y mettre, paru en 2016 chez le même éditeur. Le titre donne le ton. Le narrateur, Fred, chômeur parisien en fin de droits, décide d’en finir avec « l’oisiveté, le vin qui tâche, le réveil à quatorze heures pour pouvoir faire une petite sieste, peinard, en milieu d’aprèm ». Pas facile cependant de rompre avec de telles habitudes pour celui qui, du temps de sa splendeur, travailla dans une imprimerie et fut crêpier dans un restaurant savoyard. C’était l’époque de la vie commune avec Séverine qui a fini par le quitter. Depuis pas ou peu de vie sociale ni sentimentale, malgré quelques tentatives sur des sites de rencontres.
La rencontre déterminante aura lieu dans son petit immeuble en faisant connaissance avec la femme de ménage de la brave madame Pichard. Voici donc Marlène, Antillaise peu farouche, qui se prostitue à l’occasion pour arrondir les fins de mois. Face à la situation aussi précaire que dangereuse de Marlène qui officie sans protecteur, Fred se transforme en proxénète, prélevant 40 % – « presque du bénévolat » – à la jeune femme qui lui présente une amie, Cerise, étudiante paumée et droguée, pratiquant la même activité tarifée. Comme souvent, la fonction faisant la vocation, Fred développe son petit commerce.
Tragi-comédie
« Un onglet aux échalotes, une présentatrice météo avec de belles cuisses, un plumard, des copains et du vin. Un peu de blé. Je n’en demande pas trop. Y en a qui craquent pour un cabriolet, une Rolex, des restos chics » : pour avoir dérogé à son manque d’ambition et cédé à l’argent facile, notre anti-héros affrontera quelques péripéties que l’on ne dévoilera pas. Pour son entrée en littérature, Florent Oiseau mettait en scène l’un de ces personnages en rupture de ban, déclinant à leur façon le « Je préfèrerais ne pas » du Bartleby de Melville, que l’on retrouvera dans les romans suivants.
On songe au Petit malheureux, le brillant premier et ultime roman de Guillaume Clémentine, à la lecture de cette chronique tragi-comique de l’existence d’un perdant-né. Truculent, incorrect, drolatique, Je vais m’y mettre distille ses ombres et sa noirceur jusque dans sa chute surprenante.
Je vais m’y mettre • Allary Editions