La Halle de la Machine accueillera sur la Piste des Géants, du 4 au 7 mai, la Symphonie Mécanique, spectacle créé par François Delaroziere et Mino Malan. Entretien avec le fondateur et le directeur artistique de la compagnie La Machine.
La Symphonie Mécanique a été créé en 2004. Quelle fut sa genèse et comment avez-vous rencontré Mino Malan ?
François Delaroziere : Nous nous connaissions depuis longtemps car nous faisions partie d’un même groupe de musique. Chacun de nous avait une envie. Lui de monter un orchestre, moi de fabriquer des machines à musique à partir de récupération. Cela a donc donné l’idée de créer un grand orchestre symphonique dans lequel je m’occuperais des machines. Cette association a donné naissance à la Symphonie Mécanique. Le spectacle a vu le jour lors d’une résidence à Marseille, dans les quartiers nord, où six premières machines ont été conçues et ont joué devant cinquante ou soixante personnes. Au fur et à mesure que l’on proposait le spectacle, on installait nos ateliers, on fabriquait de nouvelles machines et on jouait. Nous sommes ainsi passés à cinquante machines et à une jauge publique de 900 à 1000 personnes. La Symphonie Mécanique a été jouée un peu partout dans le monde, à Taïwan, en Amérique du Sud, à Paris, à Tournefeuille…
Comment travaillez-vous ensemble ? Y a-t-il un partage des tâches étanche entre la musique et la scénographie ou bien intervenez-vous chacun dans le domaine de l’autre ?
Oui, complètement. Pour ma part, je suis constructeur de machines et ma spécialité est la scénographie, mais les choses se discutent ensemble. Mino Malan compose les pièces musicales et la naissance d’une machine va pouvoir inspirer une nouvelle composition. Nos machines sont particulières, parfois un peu fragiles. Elles font une, deux ou trois sonorités ou rythmes. On ne leur demande pas d’être performantes au sens par exemple de pouvoir décliner une harmonie spécifique, mais d’avoir leur expression et leur caractère. A partir de ce qu’une machine produit comme son ou comme musique, Mino Malan va composer pour les instruments classiques – un quartet ou un quintet de cordes, des cuivres… – des pièces musicales. Par exemple, la cocotte à flûtes est une cocotte-minute posée sur un bec de gaz. On fait chauffer la cocotte jusqu’à ébullition, elle produit de la vapeur et on a greffé sur le couvercle de la cocotte deux flûtes à bec qui vont être traversées par la vapeur pour produire des sons que l’on module. Mino Malan compose donc spécifiquement pour cet instrument et réunit cinq cordes qui vont jouer autour de la machine… Par ailleurs, Mino dirige l’orchestre symphonique, mais aussi l’atelier mécanique, les machines qui vont jouer. Au final, le principe scénographique permet au spectateur d’être immergé au sein de l’orchestre, de se retrouver en quelque sorte dans la fosse en compagnie des musiciens et non sur des gradins. On peut ainsi bouger dans cet espace visuel et sonore circulaire qui fait 35 mètres de diamètre, c’est-à-dire la limite acoustique de l’écho. Visuellement et musicalement, le public est appelé à se déplacer en fonction du rythme et du déroulé du spectacle.
Est-ce que la Symphonie Mécanique a changé depuis sa création ?
Le spectacle évolue en permanence. En l’occurrence, on installe la Symphonie Mécanique sur la Piste des géants trois semaines avant le spectacle et on construit de nouvelles machines qui vont s’intégrer au spectacle. C’est comme un concert. Chaque fois, on crée un ensemble puis de nouveaux éléments interviennent en fonction de l’espace dans lequel on joue, de la lumière, du coucher de soleil…
Comment définiriez-vous la musique du spectacle ?
Elle est assez indéfinissable. C’est la rencontre entre le monde de la musique classique, symphonique et des objets sonores, des machines qui vont se répondre. L’univers de Mino Malan est très large. Je pense que cela évoque un peu la musique de cinéma. C’est une musique très imagée. On voyage dans des climats sonores. On passe d’ambiances très douces à des cloches ou à des rythmes de batterie. C’est une musique émotionnelle qui est vraiment très variée. On fait par exemple de la musique avec du feu grâce à Polo Loridant, notre directeur des effets spéciaux.
Juste avant le spectacle, vers 19 heures, le public pourra découvrir les coulisses…
Oui, mais je préfère ne pas trop en parler avant pour laisser les spectateurs découvrir. Disons qu’il y aura une partie exploration, qui aura lieu de jour avant que la nuit tombe, permettant de se promener dans cet espace, de voir des machines qui ne participeront pas forcément au spectacle.
Par ailleurs, avant la Symphonie mécanique, il y a aussi l’Atelier de construction, jusqu’au 30 avril, et le Laboratoire symphonique ouvert du 18 au 28 avril aux musiciens amateurs.
Tous les après-midi, avec ce Laboratoire, on invite des musiciens professionnels ou amateurs à venir se confronter à nos machines en présence de Mino Malan. Le public pourra aussi découvrir sur La Piste des géants les ateliers où seront en train d’être construites les machines.
A une époque où le numérique, l’intelligence artificielle et le Métavers semblent tout occuper. Un spectacle humain et mécanique prend-il un sens particulier à vos yeux ?
Cela fait longtemps, depuis la révolution industrielle, que la machine est entrée dans nos vies et les a bouleversées, notamment avec la production à la chaîne. Les machines nous facilitent la tâche et en même temps nous rendent dépendants d’elles. Pour moi, la question de l’intelligence artificielle et de l’évolution des technologies est la même qu’hier. Ce n’est pas l’outil qui va être le problème, mais la façon dont l’homme va l’utiliser. Il s’agit de prendre du recul, d’utiliser ces technologies pour le bien-être de l’humanité et avec parcimonie sans se faire happer par des objets, comme nos téléphones, qui peuvent se révéler chronophages. Ici, nos machines ne sont pas des robots. L’homme est toujours derrière et elles sont un peu maladroites, un peu inutiles, mais elles sont touchantes, précisément parce qu’elles sont manipulées par des humains.
Vous utilisez de vieux instruments, vous pratiquez la récupération et le recyclage.
On utilise des pianos, des cuivres, des vieilles cymbales que l’on recycle. On utilise aussi beaucoup de rebuts de l’électroménager, d’éléments de machines industrielles. Ce qui est intéressant avec ces objets c’est qu’ils portent une histoire et que celle-ci se fond dans les machines que l’on fabrique, les enrichit.
Plus globalement, comment expliquez-vous le succès de La Halle de la Machine et de vos spectacles ?
Le travail que crée la compagnie dans l’espace public touche de façon très large : des enfants, des adultes, des personnages âgées, toutes les cultures… Il y a une fascination pour la machinerie, la mécanique, l’objet en mouvement et comment cet objet en mouvement va produire de l’émotion par sa vitesse, sa fréquence, ses arrêts… Ce langage est universel car le mouvement renvoie à la danse, à la peinture, à la vie. Puis, le Minotaure ou les machines géantes réveillent, consciemment ou pas, notre regard d’enfant quand on vit alors dans un monde d’adultes qui nous paraissent des géants. On renoue avec un regard sans jugement, sans esprit de sérieux, sans a priori et avec cet émerveillement justement lié à l’enfance.
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La Symphonie mécanique de François Delaroziere et Mino Malan, du jeudi 4 mai au dimanche 7 mai à 20h30. Ouverture des portes à 19h. Plein tarif : 20 €, tarif réduit : 14 €.
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Atelier de construction de nouvelles machines à musique : jusqu’au 30 avril, tous les jours sur la piste.
Laboratoire symphonique mené par Mino Malan : du 18 au 28 avril, les après-midi, atelier ouvert pour musiciens amateurs à partir de 12 ans, gratuit sur inscription.
La Halle de la Machine – 3, avenue de l’aérodrome de Montaudran – 31400 Toulouse.
Entretien réalisé par Christian Authier
Halle de la Machine • Symphonie Mécanique