Mon crime, un film de François Ozon
En adaptant une pièce signée Georges Berr et Louis Verneuil, créée en 1934, François Ozon nous assène littéralement la preuve d’une maîtrise absolue de tous les genres cinématographiques si l’on veut bien examiner de près sa filmographie. En réunissant un cocktail d’interprètes les uns plus jubilatoires que les autres dans ce film brillantissime et drôlissime, il arrive à occulter un moment les instants sous tension que vit notre monde.
Nous sommes dans le Paris d’entre les deux grandes guerres. François Ozon nous met dans les pas d’un duo de copines trentenaires un brin en galère, partageanr une même misérable chambre. Madeleine se veut actrice mais n’a pas de boulot. Pauline est une jeune avocate sans travail. Les loyers impayés s’accumulent dangereusement. Mais voilà qu’une invitation à le visiter parvient à Madeleine de la part d’un grand producteur. Elle se précipite et tombe évidemment face à un maniaque sexuel qui tente d’abuser d’elle. S’échappant à temps de l’emprise du bonhomme, elle s’enfuit de sa somptueuse villa. Or le producteur est retrouvé assassiné le même jour. L’enquête se dirige direct vers cette pauvre Madeleine qui derechef nie un tel geste. Puis, convaincue par Pauline que le sujet peut trouver un dénouement heureux au tribunal, Madeleine finit par avouer un crime que bien sûr elle n’a pas commis. Le buzz s’enflamme. Les journaux ne parlent plus que d’elle, d’autant que Madeleine est acquittée. Les offres de travail affluent dans les boites aux lettres de nos deux manipulatrices. C’est la gloire. Jusqu’à ce que….
Sur des dialogues très écrits faisant le bonheur autant des comédiens que du public, une mise en scène délirante de précision et un montage qui ne l’est pas moins, une poignée d’artistes s’en donnent à cœur joie. Ils sont tous excellents dans cette comédie profondément amorale. Il faut les citer : Nadia Tereszkiewicz (Madeleine), Rebecca Marder (Pauline), mais aussi Isabelle Huppert en véritable folle de Chaillot, Fabrice Luchini, Dany Boon, André Dussollier, Edouard Sulpice, Félix Lefebvre, Régis Laspalès, Michel Fau, Daniel Prévost et bien d’autres.
C’est brillant sans être clinquant, jubilatoire sans être trivial. Mine de rien, François Ozon creuse le sillon de la sororité en pointant du doigt le patriarcat sévissant alors en France. Un film féministe ? Sans se vouloir une thèse de troisième cycle sur le sujet, assurément !