Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Paru en 2007, le Casablanca de Marc Augé, réédité aujourd’hui en poche, n’a rien perdu de son éclat à l’image de l’indémodable classique réalisé par Michael Curtiz en 1942. Mythique couple Bogart / Bergman, répliques cultes, scènes iconiques, musique inoubliable : tout ou presque de Casablanca est entré dans l’histoire, l’histoire du cinéma et celle de chaque spectateur. Eminent anthropologue et ethnologue, auteur de nombreux ouvrages dont le célèbre Non-lieux, Marc Augé se souvient de sa découverte du film en salle avec ses parents autour de 1947 alors qu’il avait onze ou douze ans : « Tout m’avait bouleversé dans Casablanca. L’amour, l’amitié chevaleresque entre les hommes. L’apparition d’Ingrid Bergman sur le seuil du cabaret d’Humphrey Bogart. Le leitmotiv joué par Sam, le pianiste noir, As Times Goes By. »
« Revoir un film, c’est retrouver un passé qui garde toute la vivacité du présent », écrit encore Marc Augé. Nulle surprise donc à ce que son texte soit une manière d’autobiographie, y compris familiale, au sein de laquelle Casablanca réveille des échos intimes : de son enfance dans la France occupée aux guerres coloniales (Augé servit en Algérie à la fin du conflit).
Eloge de la salle obscure
Réflexion sur le temps et la mémoire, ce texte sensible est aussi évidemment une déclaration d’amour au cinéma, à cette vie sans temps morts qu’il offre et que François Truffaut comparait à des trains qui filent dans la nuit. « Nous aurons toujours Paris », déclarait Rick dans Casablanca en se souvenant du bonheur passé comme un antidote pour supporter les déceptions du temps présent. Marc Augé lui répond en quelque sorte avec un éloge de la salle obscure « où je me sens toujours chez moi parce que ne cessent de m’y attendre, fidèles au poste, imperturbables, éternels, tous ceux et celles que je ne cesse de côtoyer depuis plus d’un demi-siècle et vers qui je me précipite d’instinct, les soirs de bonheur ou de tristesse, sûr de leur fidélité, de leur jeunesse et de la mienne. »