Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, une réédition, un classique ou un livre injustement méconnu.
Les prix littéraires d’automne ne couronnent pas forcément des mauvais livres. La preuve cette année avec le prix Interallié décerné à Philibert Humm pour son premier roman. Les bons lecteurs avaient déjà repéré la plume acérée de l’écrivain-journaliste avec ses récits coécrits avec son ami Pierre Adrian (Le Tour de la France par deux enfants d’aujourd’hui et La Micheline, Tournée des bars de France) ou en solo (Les Tribulations d’un Français en France (prix Alexandre-Vialatte 2021). Aux seuls titres, on a compris que Philibert Humm a l’humeur vagabonde et l’esprit voyageur, qu’il aime les tours, les détours, les tournées générales.
Certes, il ne cherche pas à conquérir l’Annapurna, ne parcourt pas les steppes, ne se perd pas en Patagonie. Son goût de la dérive et de la découverte se borne – pour l’instant – à l’Hexagone. C’est un explorateur en bretelles, un aventurier tranquille. Ainsi, dans Roman fleuve, le narrateur et ses deux amis – François et Samuel – ne se risquent pas dans les eaux périlleuses de l’Amazone, mais préfèrent descendre la Seine en canoë depuis Paris.
Le temps des copains
Voici donc le jeune et sémillant trio à bord de son embarcation de fortune nommée opportunément « Bateau ». On ne dévoilera pas les étapes et les péripéties rythmant cette descente en pente douce. Disons juste que les plaisirs des rencontres croisent les tentatives de mutinerie, que la fantaisie hisse le drapeau noir des pirates et des copains d’abord. On pêche mille merveilles dans Roman fleuve : un éloge de l’apéritif, un avertissement contre les tentations de la mécanique, une évocation de « la mélancolie de Jean-Pierre Pernaut »…
Par son motif ainsi que par sa drôlerie, son élégance, sa discrète mélancolie, cette balade fait songer au film Comme un avion de Denis Podalydès. Pourtant, si l’on adaptait Roman fleuve au cinéma, c’est vers le Wes Anderson de Moonrise Kingdom qu’il faudrait se tourner. On y entendait d’ailleurs Le Temps de l’amour de Françoise Hardy dont les paroles illustrent à merveille l’esprit d’enfance et la grâce de Philibert Humm : « C’est le temps de l’amour, Le temps des copains, Et de l’aventure, Quand le temps va et vient, On ne pense à rien, Malgré ses blessures, Car le temps de l’amour, C’est long et c’est court, Ça dure toujours, On s’en souvient ».
Roman fleuve – Editions des Equateurs