Ouverte dès le 5 octobre dernier, la 27ème édition du festival Toulouse les Orgues vient de connaître l’un de ses points… d’orgue à l’occasion du récital donné le 6 octobre par Bernard Foccroulle sur le grand et bel instrument de la cathédrale Saint-Etienne. Consacrée à l’un des ouvrages majeurs pour clavier de Johann Sebastian Bach, cette soirée a attiré un public nombreux et heureux de se plonger dans un monde musical aussi raffiné qu’exigeant.
Natif de Liège, Bernard Foccroulle a entamé une carrière internationale d’organiste dès le milieu des années 1970, interprétant un vaste répertoire allant de la Renaissance à l’époque contemporaine. Tout en participant à de nombreuses créations mondiales, notamment d’œuvres de Xavier Darasse, il se consacre aussi à la musique baroque allemande et en particulier à Johann Sebastian Bach. Il a ainsi enregistré chez Ricercar l’intégrale de l’œuvre d’orgue du cantor de Leipzig.
Le grand orgue de la cathédrale Saint-Etienne est classé monument historique pour son buffet, le plus ancien de la ville rose, qui date du début du XVIIe siècle. Spectaculairement suspendu « en nid d’hirondelle » il abrite un instrument reconstruit en 1973 par le facteur d’orgues Alfred Kern en réemployant une partie du matériel ancien dû à l’origine à Antoine Lefèbvre (vers 1612) et réutilisé par Aristide Cavaillé-Coll de 1848 à 1850. En outre un relevage avait été réalisé en 1947 par Maurice Puget.
Bernard Foccroulle a choisi de consacrer son récital à la troisième partie des Clavier-Übung de Johann Sebastian Bach. Le terme allemand Clavier-Übung, qui désigne la « pratique du clavier » a qualifié de nombreux recueils dès la fin du XVIIe siècle. Bach a réuni un grand nombre de ses œuvres pour le clavier sous ce vocable. Le Clavier-Übung III (surnommée Orgelmesse par Albert Schweitzer) joué intégralement par Bernard Foccroulle comporte trois sections précédées d’une imposante Ouverture et refermées sur une vaste Coda.
Tout au long de cette impressionnante forêt de sonorités, l’interprète parvient à conserver une splendide clarté des diverses structures empruntant surtout au choral et à la fugue. L’Ouverture déploie une solennité impressionnante mais sans raideur avec l’intervention de précieux échos. La première section, intitulée La Messe : Kyrie et Gloria, manifeste un étagement admirable des différents registres, un choix de jeux coloré et varié. Les versets se répondent de manière contrastée jusqu’à la sérénité de l’épisode Allein Gott in der Höh sei Ehr, empreint d’une belle sérénité.
La section suivante, Le Dogme, alterne les affects, du calme à la ferveur, jusqu’à la prière du Notre Père à laquelle l’organiste confère une allure de marche confiante. C’est avec la section intitulée Les Sacrements que s’achève ce voyage spirituel. Le choral qui anime Le Baptême est suivi la solennité de La Pénitence. C’est sur la transparence de La Communion que se conclut cet épisode.
La Coda qui complète cette succession de chorals se dresse comme un édifice éblouissant. Il s’agit là d’une fugue à 5 voix à laquelle Bernard Foccroulle confère un formidable élan jubilatoire. L’enchevêtrement des voix reste d’une limpidité exemplaire grâce au choix des jeux, des registres et des phrasés.
Un grand moment qui ouvre avec ardeur, équilibre et faste ce 27ème festival toulousain.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse