La plupart des fanas d’orgues, un bon nombre de toulousains, et la totalité des fanas d’orgues toulousains, connaissent et apprécient le festival Toulouse les orgues, qui se déroule vers le mois d’octobre.
Mais pourquoi faudrait-il attendre octobre pour en profiter ? C’est à cette question que répond l’association, en organisant entre le 11 juillet et le 17 septembre des courtes rencontres de fin d’après-midi, tout à fait ajustées à une ambiance de vacances en shorts et robes légères.
J’ai assisté à un couple de concerts, les 24 et 25 août, à la cathédrale Saint-Etienne.
Le mercredi 24 à 18h, la nef était bien pleine pour entendre Laetitia Bos, récitante au théâtre du Grand Rond. Elle n’était pas à l’orgue : devant nous, au micro, bien campée sur ses deux pieds, elle a lu plusieurs textes. Ces extraits, tour à tour émouvants, pédagogiques, enfantins, sont devenus réalistes quand elle nous décrivit l’exploit que réalise l’organiste de Saint-Etienne pour gagner son nid d’aigle. Les yeux perdus dans les hauteurs du chœur gothique, nous imaginions le musicien gravir les 80 marches du sombre escalier à vis, puis franchir un précipice entre deux rambardes guère engageantes, avant de gagner une tribune où le buffet penche vers le vide et où deux personnes ne peuvent pas se croiser sans risquer leur vie. Une vocation !
Et l’organiste donc ? Guy-Baptiste Jaccottet faisait écho à la récitante. Dans de courtes interventions, il nous donnait à entendre différents aspects de l’orgue, et différentes époques de composition. Après le concert, les deux artistes réunis au pied de l’orgue et rejoints par Yves Rechsteiner, le directeur artistique du festival, ont pris un temps généreux pour dialoguer avec les auditeurs. Quelle qualité de ces moments, simples et conviviaux.
Le lendemain jeudi 24, même heure, même endroit. Guy-Baptiste Jaccottet est à la tribune de l’orgue de la cathédrale pour un récital de trente minutes. Il débute par la « pièce d’orgue » BWV 572 de Jean-Sébastien Bach, triptyque dans le style français, où le centre est occupé par un magnifique plein-jeu et les extrémités par des traits virtuoses. Suit un choral de Boehm, un contemporain de Bach. Une magnifique mélodie se déploie, portée par des jeux de cornet et de voix humaine au récit. Vient enfin la 6ème sonate pour orgue de Mendelssohn. Ce n’est pas à proprement parler une sonate, mais plutôt une succession de mouvements, comme les suites de Bach. Ici se suivent un thème de choral avec ses variations, une fugue et un andante. Le principe des variations nous permet de découvrir plusieurs facettes de l’orgue, et du jeu de l’organiste. On se régale avec un solo de cromorne, avec une pédale sautillante et brillante, avec une toccata ébouriffante.
La fugue qui suit avait tout pour être classique : donné dans un rythme ternaire, le sujet de 8 mesures est simple et sans altération. Mais Guy-Baptiste Jaccottet prend la liberté de souligner les entrées du ténor avec un jeu d’anche. « Sinon, on ne l’entend jamais, il est perdu au milieu de l’harmonie », nous expliquera-t-il. Belle idée ! Enfin l’œuvre, rarement donnée en concert, se conclut par un andante doux aux flûtes.
Quelques minutes après les derniers applaudissements, nouveau « bord de scène » organisé par Yves Rechsteiner. Une cinquantaine de curieux s’était regroupé autour de Guy-Baptiste Jaccottet , pour lui poser des questions, parfois simples, parfois pointues. Le concertiste prenait visiblement plaisir à dialoguer, à raconter sa vie d’organiste. Quand on lui demande de caractériser l’orgue de la cathédrale de Toulouse, il explique : « dans une église en Suisse, il y a quatre orgues différents. Un grand orgue romantique, un baroque espagnol, un classique français, un continuo. Pas simple ! Vous avez ici un orgue de compromis, il permet de jouer tous les répertoires, on en a très besoin dans la vie de tous les jours ». C’est alors qu’on se retourne, que l’on contemple le magnifique buffet du XVIème, les jeux de montre splendides, les siècles qui passent, les facteurs d’orgue qui se succèdent, et la merveille qui sonne aujourd’hui pour nous.
Vous avez manqué le concert ? Découvrez la chaîne YouTube de Guy-Baptiste Jaccottet. Vous voulez retenter l’expérience ? Découvrez d’urgence la programmation du Festival Toulouse les orgues pour cet automne !