Critique. Théâtre. Toulouse. ThéâtredelaCité, le 15 mars 2022. La Disparition du Paysage. Texte de Jean-Philippe Toussaint. Scénographie et mise en scène d’Aurélien Bory. Avec Denis Podalydès de la Comédie Française. Lumières : Arno Veyrat ; Musique : Joan Cambon ; Co-scénographie : Pierre Dequive ; Costumes : Manuela Agnesini ; Collaborateur artistique et technique : Stéphane Chipeaux-Dardé ; Régie générale : Marie Bonnier et Sylvain Saysana ; Régie plateau : Nicolas Marchand ; Régie Lumières : Aliénor Lebert ; Régie son : Antoine Reibre.
La disparition du Paysage évacue le corps mortel, trop mortel…
Sur la grande scène du théâtre de la cité les toulousains ont pu apprécier ce spectacle très abouti que les parisiens avaient pu voir au Bouffes du Nord fin 2021. Le dispositif scénique est central et avec une fausse simplicité va se révéler d’une complexité pleine de surprises. Aurélien Bory a un gout insatiable pour les belles machines, huilées et dociles. Le dispositif en fond de scène est une apparente fenêtre mais sera tour à tours appareil photo, guillotine ou miroir brisé. La fluidité des mouvements, leur rapidité, leur coordination parfaite avec les lumières d’Arno Veyrat, cet ensemble avec la musique également produit sur le public plusieurs moments très forts. Ainsi ressentir le choc de l’explosion de l’attentat, ou voir le personnage passer de l’autre côté du miroir.
Car si la dramaturgie est floue avec un texte très ambigu, il s’agit bien d’une mort dans un attentat. Les métaphores pour ne pas aborder la mort directement sont nombreuses et plus ou moins habiles. Quoi qu’il en soit le texte de Jean-Philippe Toussaint est brillant, plein de suggestions, il évite le niveau affectif pour rester dans un discours très intellectuel autours de la mort. Cette froideur retrouvée tant dans le texte que dans la dramaturgie donne à ce spectacle une absolue contemporanéité. A « tourner autour du pot » avec tant d’intelligence c’est comme si le corps, l’humanité et la chaleur de la vie étaient évacuées. Dans ce sens le fait que Denis Podalydès joue de dos dans son fauteuil tout le début de la pièce évacue bien la question du corps. Pourtant Denis Podalydès est un acteur qui impacte le public par une présence forte, il faut juste s’habituer à ne pas le voir, pour mieux entendre cette voix très reconnaissable et cette diction si précise. Cela donne de la puissance au propos. Comme si une partie de la réussite de ce spectacle reposait sur cet acteur si puissant renonçant à une partie importante de ses possibilités.
Cette pièce parfaitement jouée et montée laisse le spectateur en alerte et l’explosion produit un choc puissant, magnifique réussite visuelle et auditive. Les applaudissements mettent du temps à monter mais font un vrai succès aux artistes.
La disparition du paysage, est un théâtre avec « grosses machines » et « grand acteur » qui avec une grande modernité rejoint une catégorie de spectacles qui impressionnent plus qu’ils ne touchent. Il illustre bien le rapport contemporain à la mort. La mort est non taboue, car elle est parlée, mais en évacuant la question du corps et de la souffrance. Et cela dans un esthétisme du haut vol.
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