Un Très beau CD Tout Vivaldi
Critique CD. Vivaldi Entre ombre et lumière. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Stabat Mater, Airs, concerto, Sinfonia. Ensemble Baroque de Toulouse. Caroline Champy Tursun, mezzo-soprano ; Michel Brun, Traverso et direction. Enregistré à la Chapelle Notre Dame d’Alet à Montaigu sur Save (31) en 2021.
Ce CD est présenté dans un élégant coffret cartonné avec un beau livret original et très intéressant. Il semble qu’en cette période de pandémie si délétère pour les artistes, l’Ensemble Baroque de Toulouse a bénéficié d’un bel alignement des astres. Ce deuxième enregistrement va certainement connaître un succès alors que la musique du prêtre roux est copieusement enregistrée ces derniers temps. L’enregistrement de l’EBT (Ensemble Baroque de Toulouse) fait se dresser l’oreille. Dès les premières notes du Stabat Mater le parti pris est intrigant avec cette sècheresse des accords et ce rythme implacablement resserré. Immédiatement la voix de Caroline Champy Tursun nous étreint d’une forte émotion, avec un timbre de voix profond et rond et surtout une diction très dramatique qui donne vie à chaque mot du texte, loin d’un certain angélisme que souvent on associe à ce Stabat Mater. La souffrance de Marie est très perceptible autant que celle infligée au Christ. Les trois niveaux de douleur du texte, décrivant celle du fils, puis de la mère et l’appropriation par le spectateur tout cela est subtilement déployé et concentre l’émotion en superposant les drames. Le coté intimiste de la partition semble même permettre un niveau d’implication assez extraordinaire. Un grand moment de musique que ce Stabat Mater ainsi revisité. Le concerto du Gardenillo permet de profiter pleinement de la grâce de la partition en raison de la modestie de l’orchestre qui permet à la flute baroque, le fameux traverso en bois, de ne pas être ni noyé (lorsque le choix est fait d’une flute à bec) ou trop présent (lorsqu’il s’agit d’une flûte Boehm). L’équilibre est parfait et les phrasés se répondent à ravir. Précision et souplesse sont entremêlés dans une élégance de chaque instant. La Sinfonia a une noirceur et un dramatisme foudroyants. Voici la découverte d’une courte pièce pleine de ténèbres et d’angoisse. La connexion des instrumentistes est fusionnelle. Leur petit nombre permet une osmose de musique de chambre. L’effet est celle d’une musique de la terreur. Dans les cinq airs choisis la voix sombre et pleine de drame de Caroline Champy Tursun déploie une technique parfaite et longueur de souffle admirable. Dans les da capo elle déploie une très belle qualité d’ornementation. Vraiment une beauté vocale confondante et toujours alliée à une diction très accentuée permettant une parfaite compréhension des affects complexes qui agitent les différentes héroïnes. L’orchestre admirablement dirigé par Michel Brun soutient admirablement le drame et le solo de traverso dans l’air d’Orlando Furioso permet cet alliage si subtil entre la clarté et la pureté du son de la flûte et le chant ombré et incisif de la mezzo-soprano. L’air si connu dans des version alanguies du « sposa son disprezzata » trouve dans l’accord entre les interprètes un dramatisme correspondant parfaitement au désespoir du texte avec un sècheresse des cordes qui glace le sang. La prise de son est admirable de précision permettant d’écouter précisément chaque instrument tout en bénéficiant de toute la richesse de la voix si riche de Caroline Champy Tursun. L’acoustique de la petite chapelle semble celle d’un parfait studio d’enregistrement.
Le plaisir à manipuler le livret présenté de manière très originale en une grande page pliée qui s’ouvre comme le vaste monde qui saisit l’auditeur qui pose ce CD sur sa platine. L’Ensemble Baroque de Toulouse nous conduit dans un vaste voyage et renouvelle l’écoute de la musique si inventive du grand Antonio Vivaldi, musique trop souvent galvaudée par des interprètes trop sages. Un CD qui fait la différence !
Signalons que les Cantates sans Filet ont repris et que l’EBT donne deux concerts instrumentaux avant des projets plus ambitieux que la crise sanitaire n’a fait que reporter et qui vont être annoncés.
D’ores et déjà deux RDV les vendredi 25 et samedi 26 mars pour un concert associant des Follia transpyrénéennes et des danses françaises. Réservations : cliquez ici