Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Ne pas se fier au titre. Le nouveau roman de l’auteur de 99 francs n’est pas un hommage à Marguerite Duras (ouf !) et le barrage dont il est question ici désigne la digue édifiée obstinément par Benoît Bartherotte, « qui jette des rochers dans l’océan, à la pointe du Cap Ferret », afin de contrarier l’inéluctable montée des eaux menaçant le site. Cette allégorie sur la fin de tout constitue le fil rouge d’Un Barrage contre l’Atlantique, confession autobiographique qui prolonge Un roman français.
Composé de phrases entourées de blancs ou de brefs paragraphes, à l’exception de sa dernière partie en sorte d’épilogue, le livre évoque par sa forme autant que par son motif le Je me souviens de Perec. A son tour donc, Beigbeder se souvient. De son enfance bourgeoise marquée par le divorce des parents, de ses amours, de ses années festives, de ses enfants. Celui qui s’est retiré à Guéthary depuis quelques années ouvre des malles à souvenirs tel un explorateur qui redécouvrirait, entre éblouissement et regrets, l’étendue de ses voyages.
Comme le temps passe
Evidemment, une nostalgie roborative irrigue ces pages pleines de mots de passe et de réminiscences. Né en 1965, Beigbeder a connu le monde d’avant les téléphones portatifs et les réseaux sociaux quand la lenteur, la patience et même l’ennui avaient non seulement droit de cité, mais suscitaient les divagations, l’imagination, la rêverie chez les âmes sensibles. L’enfant qu’il était, capable de s’émerveiller d’un rien comme de suivre « la course d’une goutte d’eau sur la vitre de la voiture », observait les adultes dans un mélange d’incompréhension et d’envie.
Dans leur sillage, il connaîtra plus tard les derniers feux d’une époque qui obéissait au principe de non-précaution, qui n’était pas encore puritaine, bardée d’interdictions et d’injonctions. Tout est passé si vite. On ne reviendra pas en arrière. Il faut faire avec, ou plutôt sans. Une mélancolie joyeuse s’invite au gré de cet inventaire qui collectionne les aphorismes. Le dernier pourrait être la morale du roman : « L’amour, même vieux, usé et fatigué, reste de l’amour. »
Un barrage contre l’Atlantique • Grasset
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