Le 10 janvier dernier sur la scène du Théâtre du Capitole, La Capella Reial de Catalunya et Le Concert des Nations, sous la direction de leur fondateur Jordi Savall, exploraient le monde foisonnant de Claudio Monteverdi. Cette plongée dans la richesse du madrigal convoquait dans le temple toulousain du bel canto le répertoire qui donnera naissance à l’opéra. Comme le proclame Jordi Savall lui-même, cette période baptisée Renaissance entraîne une véritable révolution de la composition musicale.
Après avoir fondé en 1974 son premier orchestre d’instruments anciens baptisé Hespèrion XX qui deviendra Hespèrion XXI, Jordi Savall a créé deux nouveaux ensembles, La Capella Reial de Catalunya en 1987 et Le Concert des Nations en 1989. Le dialogue entre voix et instruments restitue ainsi une pratique musicale et dramatique d’une richesse expressive inouïe.
Le programme de cette soirée du 10 janvier est essentiellement consacré aux Madrigaux guerriers et amoureux de Claudio Monteverdi qui illustrent la nouvelle manière de composer issue de la « seconda prattica ». Ainsi est imaginé le fameux précepte du « recitar cantando ». Dès 1605, les œuvres vocales du génial Crémonais donnent la priorité au texte dont la musique doit soutenir l’expression. Ce huitième livre de madrigaux date de 1638 et caractérise deux éléments, deux sources d’émotions extrêmes portées par les Madrigaux guerriers, d’une part, et les Madrigaux amoureux, de l’autre.
Comme a son habitude, Jordi Savall invente un programme musical qu’il structure avec sensibilité et finesse. Il propose ainsi un voyage en sept étapes qui balaient l’ensemble des affects fondamentaux. La plupart des étapes s’ouvre sur une pièce instrumentale, autrement dit une Sinfonia, choisie dans les autres œuvres de Monteverdi (7ème livre de madrigaux, les opéras Il Retorno di Ulisse in Patria, L’Orfeo…) voire dans celles d’un autre compositeur, Andrea Falconieri.
Selon les pièces abordées, les sept chanteurs de La Capella Reial de Catalunya se relaient ou se réunissent. Quelques pièces donnent la parole à une voix soliste. Comme le signale Jordi Savall lui-même, des problèmes liés à l’épidémie ont entraîné quelques changements de distribution. Saluons le professionnalisme des artistes qui ont dû remplacer leurs collègues empêchés.
La fusion entre les voix et les instruments, le choix de la composition instrumentale s’avèrent toujours d’une adéquation parfaite avec le caractère de chaque pièce. On admire en particulier l’implication du continuo composé notamment de la harpe et du théorbe. Jordi Savall mêle d’ailleurs parfois sa basse de viole à l’ensemble. La première partie de la soirée privilégie l’ensemble vocal dans des madrigaux le plus souvent « guerriers ». La seconde partie est essentiellement consacrée à deux véritables « tubes » de ce répertoire.
Le premier n’est autre que le fameux Combattimento di Tancredi e Clorinda, LE Canto Guerriero par excellence. On retrouve là avec un immense plaisir le grand baryton Furio Zanasi dans le rôle essentiel du récitant Testo. Le raffinement de son art du chant, sa diction parfaite, son incarnation et le lien qu’il établit avec le public créent la plus authentique des émotions qui font par ailleurs de ce grand chanteur un Orfeo idéal.
L’autre madrigal, le non moins fameux Lamento della ninfa, donne à la soprano Monica Piccinini ce rôle émouvant de la nymphe délaissée qu’elle remplit avec une touchante pudeur. Le soutien du chœur s’avère aussi d’une grande sensibilité expressive.
Le public, particulièrement nombreux ce soir-là, ménage une belle ovation à cette prestation particulièrement bienvenue. Un nouveau madrigal vient compléter ce voyage motivant en terre baroque.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse