Le 4 janvier dernier, à l’initiative de l’association Hebraïca, deux grands musiciens bien connus et appréciés à Toulouse offraient aux Toulousains un programme original de pièces d’inspiration hébraïque. La violoncelliste Sarah Iancu et le pianiste David Bismuth traçaient ainsi un chemin musical à travers la tradition et la culture juive, illustré par de nombreux compositeurs, juifs ou non juifs.
Présentée par son Président Maurice Lugassy, cette soirée conviviale proposée par l’association culturelle Hebraïca, illustre les multiples facettes d’une culture musicale riche de son histoire et de ses traditions. Plus de douze compositeurs abordés brossent un portrait à la fois divers et spécifique d’une écriture musicale aux caractéristiques tonales, harmoniques et rythmiques bien définies et que l’on retrouve tel un fil rouge tout au long de la soirée.
Les deux interprètes de ce vaste panorama s’investissent totalement dans l’approche de cette démarche. Rappelons que Sarah Iancu occupe brillamment le poste de violoncelle solo de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse depuis 2002. Depuis 2015, elle est également professeur de violoncelle à l’Institut supérieur des arts de Toulouse. David Bismuth, quant à lui, mène une belle carrière de pianiste aussi bien comme soliste qu’en musique de chambre, en association avec de grands artistes. Il est désigné par le magazine Pianiste comme l’un des dix pianistes français les plus doués de sa génération.
La première pièce jouée, intitulée Rozinkhes mit Mandlen, d’Abraham Goldfaden, installe immédiatement cette atmosphère complexe de nostalgie et d’éloquence qui imprègne tout le programme. La complicité entre les deux interprètes s’avère d’une admirable efficacité autant technique qu’expressive. Le parfait équilibre sonore entre les deux instruments aboutit à une complémentarité étonnante. Le violoncelle chante comme une voix humaine que le piano soutient et accompagne avec une belle fluidité. Parmi les nombreuses pièces présentées, on admire plus particulièrement l’intensité dramatique de Eli Zion, de Léo Zeitlin, la passagère légèreté de Hassidic mélodie, de Jacob Weinberg, ou encore le caractère éminemment vocal des 3 Yiddishe Lieder de Victor Ullmann.
Autour de ces pièces d’auteurs peu divulgués auprès du grand public, on se retrouve en terrain plus connu avec quelques œuvres d’Ernest Bloch, de Darius Milhaud on encore de… Maurice Ravel.
Du premier, la sombre Méditation hébraïque impressionne. Plus personnels apparaissent les Chants populaires hébraïques de Milhaud, alors que l’émotion est à son comble avec la célèbre pièce Kaddish, de Ravel.
Une découverte surprise concerne les partitions de trois des plus grands compositeurs russes des XIXème et XXème siècles, Nicolaï Rimski-Korsakov, Modeste Moussorgski et Dimitri Chostakovitch. Le lyrisme nostalgique des deux premiers est suivi des trois chants From Jewish folk-poetry, largement imprégné des caractéristiques aussi bien lyriques que sarcastiques du grand Chostakovitch !
La chanson en forme de signature de Jack Yellen, My yiddishe Mame, conclut ce beau programme sur un sourire plein de douceur. Le grand succès de cette soirée se prolonge par l’offre de deux bis de la part des généreux musiciens.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse