Il est connu de tous pour avoir fait de nombreux films muets et pour son rôle de Charlot. Petits et grands ont vu une fois dans leur vie un de ses films. Pour ceux qui souhaitent découvrir ou revoir les longs-métrages de l’acteur, du réalisateur, du scénariste, du producteur et du compositeur britannique, la cinémathèque de Toulouse consacre un cycle à Charlie Chaplin du 4 janvier au 16 février 2022.
« Venice, Californie, 1914. Alors qu’une équipe de cinéma filme une banale course de caisses à savon, de la foule amassée sur les côtés de la chaussée surgit dans le cadre un drôle de type au comportement étrange. Portant redingote et chapeau melon, pantalon trop large, petite moustache et fine canne, l’importun se fait insistant. On le pousse hors du champ, il y revient. On le refoule, il s’incruste. C’est la première apparition de Charlot. Et il va marquer à jamais le cinéma de sa silhouette », relate Franck Lubet, responsable de la programmation. Il ajoute : « Il y a de la fragilité dans les films de Charlie Chaplin sans Charlot, comme s’il avait tombé une armure pour se mettre à nu. Plus recentré sur lui, quand Charlot était universel. S’inspirant moins du monde que de sa propre histoire. La fragilité d’un artiste qui a voulu tout donner au cinéma et que le cinéma a fini par vampiriser. Vous avez adoré Charlot comme une idole, nous disent ces films, mais je ne peux vous donner que moi, un homme : Charles Chaplin. C’est la trajectoire cinématographique de cet homme, de Charlot à Chaplin, que l’on pourra voir ici, la lutte entre Dr. Chaplin et Mr. Charlot ».
Ainsi, il sera possible de voir parmi les films proposés Le Kid sorti en 1921. Pour rappel Charlot découvre et adopte un bébé, abandonné par sa mère miséreuse. Le vagabond élève et soigne de son mieux l’enfant, et cinq ans plus tard les voilà associés : le gamin casse des carreaux que son père adoptif devenu vitrier se propose ensuite de réparer. Voilà pour le rire. Mais la police et les gens du quartier convainquent les hommes de loi d’emmener le gamin dans un orphelinat. Voilà pour les larmes. Le premier long métrage de Chaplin. Un triomphe immédiat pour un classique instantané qui vagabonde entre slapstick virevoltant et drame familial déchirant. Pour ceux qui le souhaitent, les samedis 15 janvier et 12 février il sera projeté Le Dictateur. En 1940, alors que les États-Unis ne sont pas encore entrés en guerre, Charlie Chaplin attaque frontalement le régime nazi avec sa seule arme : la dérision. Un premier film entièrement parlant qui justement pose, de la plus virulente des manières, la question du discours et de la parole retransmise. Le génial comédien va jusqu’à jouer de sa ressemblance avec Hitler pour donner naissance au personnage de barbier juif, parfait sosie du tyran Hynkel ! Des gags visuels mythiques tirés comme des obus et surtout l’inoubliable et bouleversant discours final où le barbier laisse la place à Chaplin lui-même.
« Le Cirque » en ciné-concert
Les 18 et 26 janvier seront projeté Monsieur Verdoux. D’ailleurs Chaplin lui-même jugeait Monsieur Verdoux comme « le film le plus intelligent et le plus brillant de toute sa carrière ». C’est en tous cas la plus noire de ses comédies puisque inspirée par les tristes exploits du tueur en série français Henri Désiré Landru. Et de ce sujet macabre (suggéré à l’origine par Orson Welles) Chaplin, parfait en gentleman sociopathe, tire une tragicomédie un rien anar, cynique et incisive qui torpille littéralement la bonne société, ses représentants et ses valeurs. À bien y réfléchir, le capitalisme le plus sauvage n’engendre-t-il pas ses propres monstres ?
La cinémathèque propose également la projection de « Un roi à New-York » les 19 janvier et 12 février. Ruiné par son premier ministre, chassé de son pays à cause d’une révolution, le roi Shahdov s’exile à New York où il découvre la toute-puissance des médias et la chasse aux activités anti-américaines. Avec Un roi à New York Chaplin réglait définitivement ses comptes avec son pays d’adoption. Si Les Feux de la rampe apaisait les tensions tout en sonnant le glas du vagabond, cet avant dernier film mettait définitivement le feu aux poudres. La colère filtrée par l’humour pour une satire cinglante de l’Amérique, son puritanisme, son hystérie anti-communiste et ses chasses aux sorcières
« Chaplin, c’est avant tout une idole. La première idole du cinéma. Et peut-être même la seule de cette envergure. C’est d’abord Charlot, vagabond poète comme les clochards sont célestes, gentleman mal élevé, maladroit et débrouillard, aristocratique anarchiste, le cœur sur la main et le coup de pied au cul. Un personnage universellement populaire (le cinéma muet est un langage international) dans lequel tous les déclassés du monde ont pu se reconnaître et se retrouver. Charlot redonne la vue à ceux que la société ne veut pas voir »raconte Franck Lubet. Il conclut « Charlot est le grain de sable dans la machinerie d’une société « conformisante « . À la fois mordant et tendre, pouvant faire pleurer comme il sait faire rire, Chaplin amène le social au burlesque ».
A noter que le samedi 11 et dimanche 12 juin 2022, la Cinémathèque de Toulouse et la Ville de Tournefeuille proposeront en ciné-concert Le Cirque de Charlie Chaplin à L’Escale (Tournefeuille). Le film sera accompagné par l’Orchestre symphonique de l’École d’Enseignements Artistiques de Tournefeuille, dirigé par Claude Puysségur.