2021, voilà l’année du centenaire de la naissance de Jean Dieuzaide. La Mairie de Toulouse ne pouvait laisser passer une telle date anniversaire sans manifester tout l’intérêt qu’elle porte à un tel artiste, amoureux de cette ville. Elle lui consacre une grande exposition rétrospective dans un lieu prestigieux, le réfectoire du Couvent des Jacobins. Elle débute le samedi 4 décembre pour une durée de trois mois.
Ce lieu, Jean Dieuzaide l’a déjà rencontré à l’occasion de l’expo montée pour ses 40 ans de photographie. Pour les 60 ans, celle-ci offre environ 145 photographies et plus de 80 documents dont la plupart proviennent du fonds Jean Dieuzaide, conservé aux Archives municipales de Toulouse. Nous sommes dans l’ère de la photographie uniquement argentique et nombre de visiteurs qui ne connaissent plus que la photo numérique vont découvrir ce qu’était l’Art de la Photo, avec un A majuscule et un P majuscule. Et l’art de la photo noir et blanc, s’il vous plaît. Des planches contact, des contacts agrandis, des livres, des périodiques, des films qui mettent en perspective l’œuvre et ses conditions d’élaboration durant ces années fastes. Il fallait choisir au milieu de tant de documents à disposition et c’est l’énorme travail auquel a pu se livrer Françoise Denoyelle, historienne de la photographie, la commissaire de l’exposition. Tâche confiée par la Mairie de Toulouse.
On louera tous ceux qui ont participé à la scénographie, et ils sont nombreux, les responsables des éclairages, des encadrements, des vitrines, tout ce qui respecte en premier la fragilité de certains documents, les lumières qui, tout en respectant et protégeant les photographies permettent d’en saisir toute la richesse technique, et remarquons le parcours artistique, professionnel et plus intime de l’artiste dans l’exposition elle-même. Françoise Denoyelle s’est plu à creuser davantage afin que l’expo ne soit pas une suite de photos devant lesquelles on passe, sans les voir. Il faut que chacune interpelle, vous interpelle et finalement conforte la reconnaissance du talent de l’œil de l’artiste-photographe et ensuite le savoir de l’artisan-photographe. En ce point, encore une fois, nous sommes loin, très loin de la photo numérique.
On s’extasiera sur la netteté de la photo de 1953 et, sur la qualité des barricades : mais c’est un match de rugby, une finale
Jean Dieuzaide est dans la lignée des photographes qui ont eu leur heure de gloire dès la naissance en 1839 de cette nouvelle technique scientifique, et ils furent pléthore à Toulouse qualifiée de Ville de l’image. On va se permettre d’en citer quelques-uns qui eurent pignon sur rue, avec leurs studios, leurs boutiques. Commençons avec les opticiens Bianchi, père et fils, pionniers de la daguerréotypie. Suivront les portraitistes par dizaines, les Eugène Trutat, les frères Provost, ou Labouche, Georges Ancely, Émile Espy, Charles Fabre…Sur le plan national, Gustave Le Gay marquera le XIXè. Puis, vinrent les années 1900 avec des gloires de l’objectif, des gloires plus rapidement internationales avec des clichés atteignant à la vente des sommes surprenantes rivalisant même avec peintres, dessinateurs. Ce sont les, Eugène Atget, Félix Teynard, Constantin Brancusi, Man Ray, Brassaï, Paul Strand…
Jean Dieuzaide n’avait pas tout à fait les mêmes préoccupations et ambitions, que ces derniers. L’un de ses plus proches amis , Denis Brehat, le décrit comme “un dingue de boulot“, « l’esprit très marqué par la religion, aimant se dépasser, apprendre, échanger et diffuser son savoir ». Son travail de véritable stakanoviste de la photo narrative restait imprégné d’abord de Toulouse, où il avait son atelier, mais finalement il était bien plus proche des plus anciens pour le retrouver préoccupé par fixer, les monuments modernes, les transformations urbaines, ce qui dans une ville disparaît, ou surgit. Une photo mûrement réfléchie avant le clic, qui donne envie d’aller voir dedans, et même dessous, de gratter. Certaines sont connues maintenant du monde entier, d’autres moins, certaines peu présentées, voire jamais exposées.
Jusqu’à la création en 1974 de la Galerie du Château d’eau, son bébé si l’on peut dire, la première galerie publique consacrée à la photographie. L’homme est intrépide, voire entêté. Lui qui s’est fait connaître au départ surtout, en faisant le premier portrait ou plutôt le premier cliché, pris à la dérobée ? du Général de Gaulle en 1944 à Toulouse, ou encore par ses clichés d’un certain Salvador Dali. Celui qui était connu au Japon, célébré en Espagne, et admiré jusqu’aux Etats-Unis. Celui dont l’œuvre est à la fois artistique et d’une richesse patrimoniale remarquable, sur des plans si divers que l’architecture (Palais de Tokyo, Aquitaine Chimie), les technologies (Four solaire de Mont-Louis, Parachutisme), l’histoire (Église Santiago, abbatiale de Conques), et le côté humain (Les Carmélites bûcheronnes, Le Dimanche du pêcheur, La Gitane du Sacromonte). Couronné Prix Niepce en 1955 et Prix Nadar 1961 pour Catalogne romane, Ed. Zodiaque.
Christian Caujolle, actuel directeur de la Galerie, en 1984 avec du beau monde!!
N’oubliez pas de consulter le petit dépliant qui vous informera de tout ce qui est proposé en rapport avec notre “photographe local“ international ! Et pensez au catalogue, véritable ouvrage de référence sur Jean Dieuzaide et le monde de la photographie des années 1950-1980.