Un chef-d’œuvre aux Abattoirs. La Dame à la licorne est visible jusqu’au 16 janvier 2022. “Profitant de l’opportunité des travaux de rénovation du musée de Cluny – musée national du Moyen Âge, ces six tapisseries voyagent pour la première fois dans un lieu d’art contemporain, aux Abattoirs. Travaillant sur deux époques différentes, ces deux institutions se rejoignent pourtant dans leur démarche : collecter, conserver, étudier, pour transmettre, discuter et partager avec le public. Cette proposition offre donc un cadre fort pour engager une réflexion sur les définitions de l’art, sur la temporalité de la création, car chaque œuvre, même ancienne, a un jour été contemporaine, et soulève des questionnements sociétaux différents pour chaque époque”, explique le musée toulousain. Au total, ce ne sont pas moins de six tapisseries datant du début du XVIe siècle qui seront exposées. Chacune d’entre elles représente une dame entourée d’une licorne et d’autres animaux, tel qu’un chien, des oiseaux, des lapins ou encore un lion.
Mais d’où viennent ces tapisseries ? “Grâce aux armoiries représentées sur les drapeaux et les capes dans les différentes œuvres, la famille qui a commandé la teinture vers 1500 a pu être identifiée : c’est la famille Le Viste. Plusieurs de ces membres étaient des personnages de premier plan en France à l’époque des rois de Charles XIIIet Luis XII”, explique Les Abattoirs. Il ajoute : “Les historiens hésitent en particulier entre deux commanditaires possibles, Jean IV Le Viste ou son neveu Antoine Le Viste.
Les 5 sens
Concernant la composition, « les modèles des grandes figures, la Dame, la demoiselle, le lin, et la licorne ont sans doute été dessinés par Jean d’Ypres, un artiste actif à Paris vers 1500, ayant travaillé pour Charles VII et pour la reine Anne de Bretagne. Il n’est pas possible de savoir où les six tapisseries ont été tissées. Peut-être à Paris, peut-être dans les Pays-Bas méridionaux et des animaux”. La tenture est restée aux mains de plusieurs familles liées aux Le Viste sans pour autant connaître son cheminement précis aux XVIIe et XVIIe siècles. En 1814 elle se trouve au château de Boussac (Creuse). “Sa beauté et la célébrité qu’elle acquiert grâce aux écrivains George Sand ou Prosper Mérimée font qu’en 1882, Edmond Du Sommerard, conservateur du musée de Cluny, obtient des crédits et négocie l’achat des tapisseries auprès de la municipalité de Boussac, jusque-là propriétaire”, raconte le musée. Lors de la Première Guerre mondiale, les tapisseries sont temporairement abritées à Toulouse avec des peintures du musée du Louvre dans l’église du couvent des Jacobins. Elles participent dans les années 1946-1948 à un ensemble de tapisseries à une grande exposition itinérante en Europe et en Amérique du Nord.
Parmi ces œuvres, cinq d’entre elles représentent un sens l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher, la vue). La sixième “Mon seul désir” quand elle laisse place à l’interprétation.
La vie des femmes au Moyen-Age
“La représentation des femmes dans l’art médiéval appartient principalement à l’univers religieux. Cependant, La dame à la licorne, célébrant une campagne sublimée, fait aussi part de la vie quotidienne, aussi réelle que fantasmée. Alors que la Dame peut être prise comme une figure allégorique des sens, me penchant médiéval pour la complexité des interprétations fait également d’elle un symbole de pureté, d’amour terrestre, mais aussi un emblème de la richesse et du statut de la famille commanditaire de la tapisserie”, raconte les Abattoirs. Ils précisent : “la figure de la Dame a ainsi suscité de nombreuses théories : serait-elle la femme ou la fille de Jean IV Le Viste ? La future épouse d’Antoine II Le Viste ? Ou encore Marie Tudor, brièvement reine de France de 1514 à 1515 ? Somptueusement parée et au visage sublimé, elle anticipe une version idéalisée de l’image féminine et reflète la beauté comme miroir de l’âme qui se développe les siècles suivants”.