The French Dispatch un film de Wes Anderson
Le cinéaste américain signe ici un bel hommage non seulement à la France mais aussi et surtout au cinéma français. Il nous livre ici un film aveuglant d’étoiles du 7è art mais dont les références continuelles et le montage soutenu pourront décontenancer. Voire plus…
Nous voici donc dans la petite ville aussi imaginaire que française d’Ennui-sur-Blasé (le film a été tourné à Angoulême) en ce milieu du XXe siècle. C’est là que se tient l’antenne locale d’un journal américain : The French Dispatch, inspiré semble-t-il du très réel The New Yorker. Le rédac-chef et fondateur (Bill Murray) vient de mourir. Quatre journaleux bien originaux se souviennent chacun à leur tour d’un reportage qui les a marqués. Au cours de quatre séquences nous allons être invités à les suivre dans leur travail. C’est la structure du film. Et le début d’un défilé à peine croyable, sauf dans les films de Wes Anderson, de stars du Septième art. Aucun autre réalisateur n’arrive à réunir ainsi, parfois pour de simples vignettes de quelques secondes, des étoiles dont l’énoncé du nom de l’une d’elles ferait rêver n’importe quel cinéaste.
« Le Carnet de voyage de Sazerac » nous présente cette petite ville, son architecture, ses bas-fonds, sa vie nocturne et ses malfrats. Sazerac, c’est Owen Wilson, reporter vélocipédique, le béret vissé sur le crâne en permanence. « Le Chef d’œuvre de béton » ou comment les œuvres d’un peintre criminel et psychopathe, Moses Rosenthaler (Benicio Del Toro) vont être survendues par un galeriste (Adrien Brody). Ajoutons que le modèle dudit Moses, emprisonné, n’est autre qu’une gardienne-chef posant toute nue (Léa Seydoux). « Refonte d’un manifeste » ou Mai 68 revisité avec un étudiant (Timothée Chalamet) dont est tombée raide dingue une journaliste (Frances McDormand). Enfin « La Salle à manger privée du commissaire » ou comment un chef légendaire, Nescouffier, régale le commissaire d’Ennui-sur-Blasé (Mathieu Amalric) alors que le fils de ce dernier vient d’être kidnappé.
Et tout cela en alternance de noir et blanc et de couleurs Vintage sur une Bo qui ne l’est pas moins d’Alexandre Desplat. De nombreux cinéastes ayant nourri la passion d’Anderson ont droit à une révérence : Renoir, Godard, Truffaut, Tati, Clouzot (plus tous ceux que je n’ai pas su voir…). Et juste pour vous éblouir davantage, nous croisons aussi Christoph Waltz, Tilda Swinton, Edward Norton, Cécile de France, Denis Ménochet, Guillaume Gallienne… N’en jetez plus ! C’est déjà une gageure de les reconnaître. Une autre en est de scanner tous les plans tant le travail de miniaturiste de Wes Anderson est d’une méticulosité maladive. En creux, le scénario nous parle d’un métier, celui de journaliste, avec ici un brin de nostalgie… En fin de compte, la coupe est tellement pleine que l’on cède du terrain. Entre ennui et émerveillement, le choix devient douloureux, surtout face à un tel génie du cinéma.
Wes Anderson – La piste aux étoiles
Ce licencié en philosophie de l’Université du Texas se passionne très tôt pour le cinéma. Armé de sa Super 8 et sans jamais étudier l’art cinématographique, il se lance dans le grand bain du 7è art. Premier long en 1996, il a 27 ans. Ce sera Battle Rocket avec les frères Wilson. Deux ans après, le toujours jeune Anderson signe Rushmore et marque ainsi son entrée parmi les talents les plus prometteurs du cinéma indépendant. La suite, nous la connaissons tous. Aujourd’hui avec dix opus à son catalogue, souvent nommé mais rarement récompensé (?), ce réalisateur est assurément l’un des plus originaux et attachants de la planète cinéma.