Musique, chant, théâtre et danse, ce sont bien là les formes d’art qui occupent le quotidien de ces locaux qui, hélas, ont dû subir un état involontaire de léthargie de plusieurs mois, une mise en sommeil qui ne pouvait espérer qu’un réveil brutal et définitif, si possible. (voir mon article précédent annonçant cette première saison des Nuits d’été).
Théâtre du Capitole © Patrice Nin
Tout d’abord, ce sera l’occasion le dimanche 18, 17h et 20h de rendre un hommage à celui qui fut pendant près de vingt ans le Directeur artistique du Théâtre, Nicolas Joël. On ne reviendra pas ici sur ses programmations et pour chacun des opéras donnés le soin apporté au choix de chaque artiste. On n’oubliera pas non plus ses propres mises en scène. Deux clins d’œil faits ici en guise d’hommage. Le premier concerne sa mise en scène de Mireille, opéra de Gounod avec lequel il ouvre la saison de son arrivée à l’Opéra national de Paris qu’il rejoint dès son départ de Toulouse. Autre clin d’œil, il œuvre pour l’opéra contemporain en créant Akmatova, sur une projection du compositeur Bruno Mantovani et sur un livret de Christophe Ghristi, grand amoureux de la grande poétesse russe Akmatova.
Christophe Ghristi © Pierre Beteille
Le samedi 17, à 20h, c’est le feu d’artifice vocal autour du ténor français Benjamin Bernheim, nouvelle “coqueluche“ des plateaux des grandes scène lyriques internationales. Le toujours jeune ténor a su tirer tout le bénéfice possible d’un passage dans la troupe de l’opéra de Zurich, ce qui lui permet maintenant d’être présent sur les plus grandes scènes promenant ses rôles fétiches dans lesquels il peut faire admirer, et le mot est faible, tout d’abord une voix large et claire, et une prononciation la plus soignée, aussi bien sa vaillance que sa diction remarquable, sans parler de ses aigus dont la puissance lui permet d’affronter des salles au volume conséquent. Vous avez deviné que l’artiste a des moyens jugés considérables. Il semblerait que le plus délicat va être de le programmer dans des salles adéquates en fonction de ses capacités, ce qui est un comble !! Mais, les wagnériens, entre autres, se frottent les mains, et tous les fans de ce type de répertoire, itou.
Benjamin Bernheim © Richard Boll
On se félicite qu’une telle voix se retrouve, pour un tel moment, accompagné par des musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Des airs d’opéras français et italiens, des ensembles vocaux aussi d’ouvrages de compositeurs célèbres comme Gounod, Massenet, Thomas, Rossini, Verdi et Rossini sont au programme de ce gala qui tourne autour de Benjamin Bernheim. À l’œuvre, bien sûr le ténor invité, mais encore Anaïs Constans et une autre soprano Lila Dufy, le baryton Mikhail Timoshenko déjà applaudi au Capitole et tout ce petit monde sera placé sous la baguette de Marc Leroy-Calatayud. Une vraie célébration de ce qu’est l’art lyrique.
Disons-le, le lundi 19, 20h, c’est une Grande, une très Grande artiste du chant lyrique, j’ai nommé la soprano bulgare Sonya Yoncheva. Reconnaissons que son seul nom à l’affiche d’un opéra déplace la foule de ses aficionados. Nous l’avons ici dans un récital intitulé “AD UNA STELLA“ de mélodies italiennes. L’excellent accompagnateur Antoine Palloc est au piano. À défaut de sa présence dans un opéra, ne la ratez pas dans ces bijoux de mélodies : Noël, ce n’est pas tous les jours du calendrier.
Sonya Yoncheva © Gregor Hohenberg
Petite parenthèse, l’artiste est l’illustration parfaite des atermoiements qui affectent la profession de chanteur lyrique et dont la période actuelle qui semble se prolonger en est le catalyseur. Sonya Yoncheva est, comme d’autres, l’illustration de ce qui fait, pour moi, la suprématie de l’art du chant lyrique avec cette fusion obligatoire des contraintes du chant avec la musique et le théâtre, fusion qui n’existe nulle part ailleurs et exige des qualités qui déterminent leur classement, leur notoriété, leur aura et son lot de difficultés. On vient d’en avoir la démonstration éclatante avec ce dernier Elektra sur la scène du Théâtre. Et le mot diva ou divo est tellement inapproprié.
Sonya Yoncheva, c’est l’artiste qui ne compte plus les allers-retours entre les vocalités en fonction des rôles et des répertoires et des langues à chanter, il faut en posséder au moins cinq. Il a fallu d’abord savoir chanter, sans micro ! et cela demande en moyenne dix ans d’apprentissage. Il faut savoir lire et mémoriser des partitions plus ou moins longues et difficiles. À part la technique vocale, la musique, les langues, il faut pouvoir jouer la comédie, ou la tragédie ! et s’adapter aux exigences de metteurs en scène pas toujours instruits des exigences du chant lui-même, etc……Sans compter les conditions de la production, celles du théâtre, l’ambiance !! les partenaires……Finalement, un métier d’une rare difficulté pour des oiseaux voyageurs en permanence.
Chacun dans leur domaine, inutile de les présenter. Le ténor Emiliano Gonzales Toro est un habitué de la scène du Capitole tandis que Thomas Enhco est une valeur incontournable de la scène jazzistique, faisant presque des infidélités à sa famille dans le choix de la musique qu’il défend. Ils sont réunis ici le mardi 20, 20h dans un Hommage à la chanteuse et folkloriste chilienne Violeta Parra, celle que l’on a baptisé “l’âme intransigeante du Chili des pauvres“. Elle sera aussi en 1965, la première artiste sud-américaine à faire l’objet d’une exposition personnelle au Musée des Arts décoratifs de Paris. Un personnage, en somme qui lui vaudra aussi le qualificatif de “un vrai pétard allumé“. En résumé, une “sacrée nature“.
Jakub Orlinski va clore ce Festival le 21, à 20h. Dans son programme thématique, baptisé Facce d’amore – Visages d’amour, le contre-ténor polonais est accompagné par la formation Il Pomo d’Oro qui depuis 2012 fait l’unanimité dans le milieu de la musique baroque. Ce seront airs et symphonies, ou plutôt, arias et sinfonias d’opéras de musiciens comme Cavalli, Bononcini, Boretti, Handel, Predieri, Conti………Nous sommes en plein dans le baroque italien. Ce choix de programme, et de disque, vient après le premier CD intitulé Anima sacra, dans lequel le chanteur se proposait d’emmener les auditeurs dans un voyage spirituel nourri de musique sacrée du XVIIIè. Un voyage concluant. Ici, l’image est différente et Jakub souhaitait des airs d’opéras présentant l’image musicale d’un homme épris, aussi bien dans le négatif que le positif, l’amoureux jusqu’à la folie ou furieusement en colère, ou dépité, en un mot les diverses émotions suscitées par l’état amoureux. Certains airs sont de véritables découvertes et le contreténor participe ainsi à la redécouverte d’un répertoire foisonnant, littéralement.
Il Pomo D’Oro © Julien Mignot
Dans le milieu de cette musique, les places sont chères en tant que contre-ténor. Entré sur la scène de façon plutôt…fracassante, Jakub a su y bâtir sa place, aidé en cela aussi par un physique avantageux, un atout qui n’est pas à négliger, après tout, et c’est tant mieux pour lui. Peut-être gratifiera-t-il son public de quelques figures de “break-dance“, une spécialité qu’il aime beaucoup et il en a le droit !!! Des éléments de danse bien éloignés de celles des castrats, mais nous sommes en 2021 ! Et vive le chant baroque !!!!!!