Troublée par des vidéos d’opérations militaires prises par hélicoptère au Moyen-Orient, Éléonore Weber décide d’en faire un film. Sans jamais éluder les atrocités de la guerre, Il n’y aura plus de nuit se révèle fascinant. Le pilote porte un casque qui dirige la caméra infrarouge et thermique depuis l’hélicoptère. Les corps des personnes situées à plusieurs centaines de kilomètres, jusqu’alors invisibles à l’œil nu, sont ainsi mis au jour en pleine nuit. Chaque mouvement de tête aligne le viseur du canon-mitrailleur à l’objectif de la caméra : celui qui filme est celui qui tue.
Le pointillisme de la voix off partage avec le spectateur les ressentis et les échanges de la cinéaste avec « Pierre V. », militaire français. Le timbre et le phrasé de la comédienne Nathalie Richard s’harmonisent parfaitement au silence des séquences portées à l’écran : aucun son ne parvient de la zone d’opération. La réalisatrice interroge la réception et la perception de ces images en constante contradiction.
La netteté des silhouettes, si lumineuses dans cette totale obscurité, fait oublier les centaines de kilomètres qui les séparent de la caméra. Les progrès technologiques ne permettent cependant pas de différencier la Kalachnikov d’un combattant du râteau d’un paysan ou du pied d’appareil photo d’un journaliste : plus les pilotes voient, plus ils risquent de se tromper et moins ils croient en ce qu’ils perçoivent. Regarder les scènes de la vie quotidienne des villageois rend imperceptible le viseur, pourtant constamment matérialisé par une croix au centre de l’image. Et il y a ce plan incroyable : la nuit y ressemble à une après-midi d’été d’un film de vacances tourné en Super 8, dans lequel les étoiles scintillent dans le ciel bleu…
Si ces vidéos non-cinématographiques d’archives militaires opérationnelles ne sont pas faites pour être regardées, Éléonore Weber en réalise un montage remarquable et nous offre ainsi un magnifique documentaire métafilmique, – sur le pouvoir du regard et l’attraction de l’image -, à la poésie troublante.
Il n’y aura plus de nuit, documentaire français – 2020 – 1h16 – VOSTF, réalisé par’Éléonore Weber, avec la voix de Nathalie Richard. En salles le 16 juin.
Dossier de presse du film pour plus d’informations ici.