Reportées d’un an pour les raisons que l’on sait, les représentations de FALAISE, le nouveau spectacle de la Compagnie BARO D’EVEL, sont données ces jours-ci à Toulouse au Théâtre de la Cité en co-accueil avec le Théâtre Garonne [COMPLET]. On y broie littéralement du noir, des miettes de noirceur dont finit par émerger la pureté d’un récit poétique puissant, essence de toutes les manifestations de cette attachante compagnie « néo-circassienne-mais-pas-que ».
Du générique, du résumé, et de l’historique de la conception de FALAISE on ne reproduira pas ici la présentation bien complète du site de la compagnie. Mais quel chemin parcouru depuis les préfigurations de LÀ au Théâtre Garonne, il y a quelques années, point d’étape dans ce qui s’annonçait encore alors il me semble comme le diptyque : LÀ, SUR LA FALAISE.
Circassiens de formation, les fondateurs de BARO DEVEL : Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias nous ont habitués très tôt à une écriture scénique bien au-delà des démonstrations attendues de cette discipline artistique. Pour autant dans FALAISE, la rigueur dans la préparation des huit protagonistes, du cheval, et des pigeons, ainsi que la maîtrise de la coordination technique (acrobaties, chutes, ballets et autres cascades) s’articulent dans une fluidité remarquable et affleurent tout juste dans la composition de tableaux essentiellement poétiques.
Sur fond des parois de cette FALAISE, c’est toute une histoire qui se déroule sous nos yeux. Quelques monologues ou dialogues s’intègrent formellement à la partition chorale, mais c’est bien un récit total pour les sens qui nous happe, sans effort de décodage aucun. Chaque scène articule postures, mouvements, interactions entre protagonistes, et qu’elle soit muette, chantée, tonitruée, ou simplement bruitée, on la perçoit avec l’évidence des mots qui viennent à la bouche. Car c’est un formidable conte qui nous est livré autour de la question de l’effondrement. Si la magie du conte opère grâce bien sûr à l’engagement et la crédibilité de chaque personnage, c’est surtout la maîtrise de l’écriture qui impressionne, tout au service de la continuité dramatique.
Depuis qu’on les suit, Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias, fondateurs et chevilles ouvrières de BARO D’EVEL, sont presque devenus les chroniqueurs de l’époque que nous traversons, et dont les événements impactent autant leurs créations que la vie de tous les jours. Cette coïncidence, ils la traduisent avec élégance, dans une forme dramatico-poétique tellement plus juste et plus touchante que d’autres projets artistiques qui affichent une conceptualisation ou un story-telling des plus pesants.
BARO D’EVEL nous est d’autant plus attachante que la moindre de ses manifestations : grand spectacle, atelier, cabaret, happening de rue, fiesta, et même « streaming-en-confinement », chacune de leurs apparitions nous raconte une histoire autant qu’elle nous donne de leurs nouvelles. Dans FALAISE, on retrouve en effet des pas de danse, des situations burlesques, des rythmiques, des souffles lyriques, des bouts de scène, et bien sûr une signature graphique exclusive, … déjà observés dans le flux vivant de leur création antérieure.
C’est une forme d’intimité rare qui se tisse là avec le public, un lien indéfectible : donner à lire autant de visages dans un seul éclat poétique.
Jusqu’au 2 juin au Théâtre de la Cité – Les représentations sont annoncées complètes.
Les autres dates, sur le site de BARO D’EVEL