La troisième édition des Franco-russes vient de se terminer. Entretien avec Alexandre Orlov qui fut ambassadeur de la Fédération de Russie à Paris de 2008 à 2017. Il est actuellement Secrétaire général exécutif du Dialogue de Trianon, forum des sociétés civiles franco-russe créé en 2017 par Emmanuel Macron et Vladimir Poutine.
Alexandre Orlov, quel bilan tirez-vous de ces troisièmes Franco-russes ?
Malgré les difficultés imputables à la crise sanitaire, le festival a eu lieu, en mode digital, et il s’impose comme un rendez-vous incontournable dans le travail de rapprochement entre les peuples français et russe. En outre l’axe pluridisciplinaire – via la Librairie Ombres Blanches, la Cinémathèque de Toulouse – m’apparaît comme un angle fort du projet. Enfin, cette année, le fait d’inviter de « grands témoins » dans la série de rencontres « Et si on racontait… » est une très belle initiative, qui permet de donner des clefs de compréhension de ces deux pays.
Quel regard portez-vous sur les liens culturels France-Russie ?
Je ne peux m’empêcher de constater, non sans amertume, que la connaissance en France de la Russie s’atténue. À l’époque de l’URSS, l’association France-URSS jouait un rôle considérable, avec des succursales sur tout le territoire français, une agence de voyages, et a permis à de nombreux français d’aller à la découverte du peuple russe. Rien n’en a pris le relais actuellement, et la connaissance qu’on ces deux nations l’une de l’autre tend à s’effriter.
Dans cette perspective, qu’amènent les Franco-russes ?
D’abord une vision plus large qu’une simple découverte musicale ! Entendons-nous bien, la musique y joue un rôle central, par la présence à Toulouse de l’Orchestre national du Capitole et de Tugan Sokhiev, mais les Franco-russes rappellent aussi combien la littérature russe est essentielle autant que vivante, par exemple. On connaît évidemment les grands auteurs du XIXe siècle (Pouchkine, Dostoïevski…) mais aujourd’hui, une génération d’auteurs passionnante est en train d’émerger. De la même manière, la présence de la Cinémathèque, dont le fond russe est le plus important hors de Russie, contribue à raconter l’art russe et soviétique. Et je rêve qu’un prochain jalon puisse être celui du théâtre dramatique, que nous puissions donner Eugène Onéguine mis en scène par un auteur russe en parallèle de l’opéra éponyme ! Les ponts sont là, il faut continuer à les élargir.
Vous intervenez désormais au sein du Dialogue de Trianon. Pourriez-vous nous en toucher un mot ?
Le Dialogue de Trianon est un forum de réflexions et de discussions réunissant des acteurs de la société civile. Il a été constitué à la fin de l’année 2017 sur proposition du Président de la République française et avec l’appui du Président de la Fédération de Russie. Son idée principale est de nourrir le dialogue entre les sociétés russe et française non pas à partir « d’en haut » mais par des personnalités emblématiques de nos sociétés : issues du monde économique, culturelle, journalistes… Il se réunit une à deux fois par an et soutient des projets franco-russes. En trois ans seulement, et malgré le contexte sanitaire, nous avons su construire un cœur bien vivant et un dialogue continu. Dans une telle perspective, les Franco-russes nous intéressent évidemment vivement. Mais notre souhait serait que ce projet pilote gagne d’autres villes, d’autres territoires et qu’il vienne modéliser l’avenir des discussions entre nos deux cultures !