Camille Kouchner publie La familia grande aux éditions du Seuil. Lorsque la parole devient enfin possible.
Il est certainement le roman qui a fait couler le plus d’encre en ce début de rentrée littéraire d’hiver. Et pour cause, il aborde un sujet non des moindres, l’inceste. Et le silence autour de cet acte destructeur. Au départ, le roman s’ouvre sur les souvenirs d’une famille bruyante, joyeuse, libertaire. Camille Kouchner brosse le portrait de trois générations de femme, sa grand-mère, sa mère, sa tante, le clan Pisier. Trois femmes charismatiques dont les destins sont haut en couleur. Trois femmes aussi qui ne cesseront de prôner les valeurs de liberté et de féminisme. Des modèles pour Camille ? Certainement. Mais aussi des ombres encombrantes qui fascinent autant qu’elles enferment. Puis la mère divorce et Camille doit se priver d’un père, devenu ministre, trop souvent absent. Heureusement, un nouvel homme vient compléter le tableau familial. Il est cultivé et aime être entouré d’amis fidèles qu’il invite souvent à Sanary où fêtes et rigolades sont les mots d’ordre. Camille admire d’emblée cet homme. Elle ignore encore le chaos dans lequel il l’entraînera, elle et son frère jumeau.
La familia grande
Une nuit, Camille entend les pas du beau-père rejoindre la chambre de son frère jumeau, puis en repartir un moment plus tard. Dès lors, tous s’embrouille dans la tête de la jeune fille. Elle oubliera. Jusqu’au jour où le frère lui dit tout. Les abus. La peur. Il l’implore de l’aider à dire non. Tout s’écroule en un instant. Les faux-semblants et les rires, tout sonne discordant. Et les abus continuent. Impunément. Le frère ne veut rien dire, il a honte. Il se sent coupable. Une culpabilité que va vite partager la sœur qui a l’impression de participer à ce crime par son silence. Alors la tristesse la gagne, les douleurs dans le corps, le secret qui dévore tout. Les professeurs le voient, convoquent la mère, elle balaie les réflexions d’un revers de main.
Jusqu’où ? Quel déclic pour dire stop ? Comment affronter le bourreau et inverser la courbe de la culpabilité ? Camille Kouchner décrit tout cela avec une émotion retenue, décrivant parfaitement le mécanisme de culpabilité qui ronge de l’intérieur. Les réactions face aux aveux laissent elles-aussi sans voix. Mais l’auteur ne juge jamais, elle décrit, transpose les faits laissant le lecteur découvrir une vérité qui a trop longtemps été tue. Un texte poignant qui témoigne que la parole est possible, nécessaire.
Camille Kouchner, La familia grande, Seuil, 208 p.
Photo : Camille Kouchner © Bénédicte Roscot
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