Le premier concert de l’Orchestre national du Capitole pour ce mois de janvier de la nouvelle année, prévu pour le 7 janvier à 20 h, a finalement été reporté au 8 janvier à 18 h. Toujours organisé sans public, du fait de la crise sanitaire, il a été diffusé en direct sur les chaînes Mezzo et Medici.tv. En outre, il fera l’objet d’une transmission en différé sur Radio classique, le samedi 16 janvier à 21 h. Les mélomanes toulousains et tous les autres ont donc encore la possibilité d’écouter cette belle soirée musicale consacrée à Robert Schumann et à laquelle l’auteur de ces lignes a eu le privilège d’assister en « présentiel ».
Pour animer ce programme musical signé du plus romantique des compositeurs allemands, deux grands musiciens déjà bien connus et appréciés des Toulousains étaient les invités de notre Orchestre. Le jeune et dynamique chef russe Maxim Emelyanychev retrouvait ce soir-là les musiciens avec lesquels il a tissé des liens solides et presque fraternels. Il retrouvait également le jeune et déjà grand artiste du clavier Adam Laloum en compagnie duquel il avait dirigé pour la première fois l’Orchestre national du Capitole !
La gestique enthousiaste et animée de Maxim Emelyanytchev, proche d’une chorégraphie expressive, fonctionne parfaitement avec le jeu de tous les pupitres. Signalons d’ailleurs que la disposition instrumentale obéit à un déploiement particulier pratiqué dans les pays de l’Est de l’Europe. En particulier, les premiers et seconds violons se font face, respectivement à la gauche et à la droite du chef et les contrebasses occupent le fond du plateau. Cet agencement, lié à l’acoustique particulière d’une Halle aux Grains privée de public ainsi que des fauteuils du parterre, confère à l’ensemble une sonorité à la fois plus précise et plus ample de l’orchestre. Il est vrai également que l’éloignement des musiciens entre eux (distanciation oblige) permet à la formation symphonique d’occuper un plateau largement agrandi.
Cette nouvelle acoustique et l’élan passionné de la direction du chef se manifestent immédiatement dans l’ouverture de l’unique opéra de Schumann, Genoveva, par laquelle débute le concert. Les contrastes expressifs sont habilement soulignés, de l’attente inquiète des premières mesures Langsam (Lent) à la fébrilité du Leidenschaftlich bewegt (animé avec passion) si spécifiquement schumannien. Le pupitre de quatre cors, à la fonction libératrice, joue ici un rôle important, comme souvent chez Schumann, rôle magnifiquement tenu ici.
Adam Laoum est ensuite le soliste du mythique Concerto pour piano et orchestre en la majeur, du même Schumann, LE concerto romantique par excellence. Dès les premières mesures, on admire le beau dialogue qui s’établit entre le soliste et l’orchestre. Le sens des nuances d’Adam Laloum, de la ferveur à la poésie, fait ici merveille. Le déroulement passionné et contrasté de l’Allegro affettuoso initial obéit bien à ce que Schumann appelait « Fantasie », plus « Imagination » que « Fantaisie » d’ailleurs. La grâce légère de l’Intermezzo revêt sous les doigts du pianiste une fraîcheur rassurante bientôt tempérée par une sorte d’inquiétude, là aussi tellement schumannienne ! Le final Allegro vivace explose littéralement après une transition en forme de suspense. Grâce à une soutien attentif et lumineux de l’orchestre, le propos du soliste avance avec une ardeur souriante. La coda, pleine d’un enthousiasme juvénile, fait chaud au cœur. Une belle exécution qui eut déclenché une salve d’applaudissements du public en d’autres circonstances… Néanmoins les musiciens de l’orchestre et leur chef ne se privent pas d’acclamer le soliste.
La Symphonie n° 4 en ré mineur, la dernière des quatre que Schumann lègue à la postérité, complète parfaitement ce voyage stimulant. D’autant plus que Maxim Emelyanychev, par le choix de tempi soutenus et parfaitement assumés, semble tracer ici un chemin vers la lumière, vers le bonheur. Encore une fois, l’imagination est au pouvoir. Les alternances d’atmosphère, à l’image du tempérament fantasque du compositeur, sont admirablement agencées, édifiées avec finesse. Le chef construit peu à peu son chemin, jouant sur les couleurs d’un orchestre caméléon. Mouvement après mouvement, l’ascension irrésistible se poursuit. Jusqu’à cet instant magique qui introduit le final (Langsam – Lebhaft) évoquant un lever de soleil. Un crescendo qui donne la chair de poule ! Une passion frénétique imprègne légitimement tout le final et emporte l’adhésion. Après un tel final l’acclamation du public manque cruellement ! D’autant plus que chaque pupitre, un a un remercié chaleureusement par Maxim Emelyanychev, a réalisé une vraie performance. Constatons seulement qu’un tel enthousiasme musical représente le vaccin le plus efficace contre la morosité ambiante…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse