La Maison européenne de la photographie, à Paris, organise une magnifique rétrospective Edward Weston, maître absolu du Toulousain Jean Dieuzaide et de tant d’autres artistes éblouis par la sensualité de son œuvre, qu’il s’agisse de nus, de portraits ou de paysages. Une exposition exceptionnelle que l’on doit à Michael G. Wilson, dont la fortune acquise grâce à la coproduction de nombre de James Bond lui a permis de constituer une très grande collection de photographies.

Tina Reciting (Tina Modotti), 1924. Photo Edward Weston, Center for Creative Photography, Arizona/Gregg Wilson
Aussi étrange que cela puisse paraître, Edward Weston (1886-1958) n’a pas bénéficié de rétrospective en France depuis une trentaine d’années. Et les pays anglo-saxons ne lui ont pas forcément réservé un meilleur sort. Jean Dieuzaide (1921-2003), lui, n’avait pas attendu longtemps pour honorer le photographe américain, qu’il considérait comme l’un de ses maîtres absolus. Dès 1975, soit à peine un an après l’ouverture de la Galerie du Château d’Eau, à Toulouse, il avait exposé Edward Weston avec tout le soin dû à son rang. Cette passion, Jean Dieuzaide la partageait avec l’Arlésien Lucien Clergue (1934-2014), dont le carnet d’adresses aux Etats-Unis lui permettait de monter des expositions prestigieuses en France, au nez et à la barbe d’institutions parisiennes timorées. Les deux complices firent d’ailleurs un voyage en Californie, à Point Lobos, près de Carmel, là même où Weston devait passer une bonne partie de sa vie et photographier une nature dont il exprimait la force tourmentée. Nul besoin ces temps-ci d’effectuer un tel pèlerinage. Il suffit de se rendre à la Maison Européenne de la photographie (Mep) afin d’admirer les chefs-d’œuvre d’Edward Weston dans des tirages d’époque somptueux.
Abandon amoureux
Cette aubaine, on la doit à Michael G. Wilson, coproducteur des James Bond depuis 1979 et grand collectionneur de photographies. Cet Américain, aujourd’hui âgé de 83 ans, a tenu à mettre une centaine de ses trésors, conservés précieusement à Londres, à la disposition du public français. Occasion très rare de suivre le parcours exceptionnel d’un des pionniers de la photographie qui s’est assez vite affranchi du courant pictorialiste (qui considérait la photographie comme une sage « cousine » de la peinture ou de la gravure, pratiquant le flou et un côté velouté) pour aller vers un modernisme à la fois sublime et sensuel.

« Nude on sand, Oceano, 1936 ». Photo Edward Weston/Center for Creative Photography, Arizona/Wilson Centre for Photography
Les nus de Weston (particulièrement ceux de 1936 dans le désert) ont traversé le temps grâce à leur grande pureté. A cette époque, la muse de Weston s’appelait Charis mais il en eut bien d’autres, la plus célèbre étant Tina Modotti, dont les portraits, réalisés au milieu des années 1920, expriment ouvertement l’abandon amoureux. Le goût pour les formes rondes et opulentes se retrouve dans des images de coquillages (sur les rivages pacifiques de Point Lobos), dans la série des poivrons en 1930 et même, 4 ans plus tôt, dans la photographie… d’un WC. « Mon excitation venait comme une réaction esthétique absolue à cette forme, écrivit Edward Weston. Je retrouvais toutes les courbes sensuelles de ‘’la forme divine de l’homme’’ mais sans aucune imperfection. »

« Excusado (Toilet), 1926 ». Photo Edward Weston/Center for Creative Photography, Arizona/Wilson Centre for Photography
Cette sensation d’absolu, l’artiste voulait la retrouver dans les tirages, qu’il effectuait lui-même avec un soin maniaque, virtuose qu’il était des procédés chimiques au platine ou au palladium, propres à traverser le temps sans s’altérer. Encore une leçon que devait retenir Jean Dieuzaide, d’une intraitable exigence dans le travail de laboratoire – à la fois diabolique et magique du temps de l’argentique.
« Nude on sand,, 1936 ». Photo Edward Weston/Center for Creative Photography, Arizona/Wilson Center for PhotographZzzqu’il était des procédés chimiques au platine ou au palladium, propres à traverser le temps sans s’altérer. Encore une leçon que devait retenir Jean Dieuzaide, d’une intraitable exigence dans le travail de laboratoire – à la fois diabolique et magique du temps de l’argentique.
Exposition Edward Weston, « Modernité révélée », jusqu’au 25 janvier 2026 à la Maison européenne de la photographie, Paris.

