Des Feux dans la plaine, un film de Zhang Ji
Dans une intrigue qui bifurque rapidement vers un commentaire social glaçant, le réalisateur chinois Zhang Ji trace le portrait d’un pays dont la société fracturée ne parvient, en grande partie, qu’à survivre au prix de multiples compromissions.

Lu Haoran (Shu) – Crédit : Memento Distribution
1995. Fentun, ville autrefois florissante industriellement du Nord-est de la Chine est aujourd’hui quasiment à l’abandon. Les usines ont fermé, laissant sur le carreau des milliers d’ouvriers et leur famille dans la misère. Pour ne rien arranger, une série de meurtres ensanglante la région. La police, incapable de résoudre l’affaire, clôt le dossier, d’autant que les assassinats s’arrêtent brusquement. 2005, toujours à Fentun, Shu, que nous avons connu auparavant, pas loin de mal tourner, est finalement devenu policer et demande à son supérieur de rouvrir l’enquête quant à ces homicides, l’un d’eux ayant touché un proche du jeune homme. Le réalisateur nous plonge dans un polar ténébreux, poisseux, crépusculaire, dans un univers réglé par la corruption, l’alcool et la violence. L’intrigue devient une véritable métaphore de la situation actuelle de cette puissance mondiale qui a versé dans un capitalisme triomphant creusant sans discontinuer le fossé social. Etroitement liés, les deux thèmes se conjuguent à l’écran en permanence dans des plans et des séquences vertigineuses de maitrise. Alors, et même si parfois le récit est peu lisible pour nous Occidentaux, tant par la difficulté à retenir les noms que les visages au début, le film finit par vous embarquer dans un thriller sans fioritures aucunes, tendu et, surprise, flirtant avec une veine romantique inattendue dans cet effondrement des repères spirituels que vit cette nation au profit de l’individualisme et du matérialisme.